TELECOMMUNICATIONS


Life - Madamobil

Le secteur en ébullition

Le 22 février 2010, le ministre Augustin Andriamananoro reprend à nouveau la plume pour réitérer à Madamobil son interdiction d’exploitation et de toute communication commerciale. Il donne aussi sept jours à la société pour payer « les sommes dues », faute de quoi le ministère « procèdera à l’annulation du transfert et à sa révocation ». Mais le 23 février, Hermenegilde Razafindrainibe, représentant des ex-employés d’Intercel, informe Eric Razafindratandra qu’ « ils ne souhaitent pas continuer l’action en justice engagée contre Madamobil ». Les ex-employés d’Intercel considèrent cette action inutile et coûteuse et ne leur permettra pas de recouvrer leur créance. Ils déclarent plutôt vouloir poursuivre Joseph Gatt, l’ancien propriétaire d’Intercel, ainsi que ses sociétés offshores. L’OMERT évite de prendre position et se contente de dire au liquidateur qu’il est « d’accord pour rechercher de nouvelles voies dans le recouvrement de ses dettes, à conditions que lesdites voies lui soient soumises au préalable et obtiennent son approbation ».

Le 24 février 2010, le Premier Président de la Cour d’Appel d’Antananarivo suspend l’exécution provisoire de l’ordonnance de référés n°9436 qui interdit notamment à Madamobil d’utiliser la licence. Fort de ce revirement de situation, Madamobil écrit au ministre des PTT et lui fait savoir que d’après l’avis de Madagascar Law Offices de Sahondra Rabenarivo, le fait d’avoir reçu les fréquences ne la fait pas hériter des dettes. Madamobil poursuit dans sa lettre que « le fond du dossier n’est pas tranché et rien ne permet donc de considérer que Madamobil est juridiquement responsable des dettes d’Intercel ». Et cette société d’informer le ministre qu’elle va contester son interdiction d’exploitation devant les tribunaux administratifs pour cause d’excès de pouvoir, outre des actions auprès de la justice internationale. « En cas de retrait de licence, nous demanderons réparation auprès du CIRDI » écrit également Madamobil. En outre, pour cette dernière, Telma ne peut pas lui réclamer aujourd’hui les dettes qu’elle a refusées hier. Entendre par là que Madamobil a bloqué quelques 27.5 millions d’euros à la HSBC pour payer les dettes d’Intercel, tandis que Telma a malgré tout préféré intervenir pour faire liquider Intercel plutôt que de se faire rembourser. Madamobil demande alors au ministre d’organiser une rencontre au sommet avec toutes les parties prenantes. A noter que Madamobil a également déclaré que sans le blocage de Telma au rachat, elle aurait été opérationnelle depuis 2006. Mais le ministre Andriamananoro n’accèdera pas à la sollicitation de Madamobil et ordonne au contraire au patron de l’OMERT d’annuler le transfert de la licence. Madamobil contre-attaque en déposant au Bianco une plainte de réserve à l’encontre de X pour accord d’exonération et franchises illégales à Telma et abus de fonction contre Madamobil. L’affaire prend alors une autre dimension. Le 31 mars 2010, l’OMERT écrit au conseiller spécial du Premier ministre que le ministre des télécoms est habilité à transférer la licence d’Intercel aux termes de l’Arrêté 95-001. Cet organe explique également que la théorie générale des obligations et la théorie générale sur les lois nouvelles veulent que la situation juridique créée par l’Arrêté 9-001 soit respectée par la loi 2005-023. L’OMERT poursuit que « l’acte de transfert pris par l’OMERT est un acte administratif susceptible de recours devant le Conseil d’Etat, mais qu’il n’est plus contestable après trois mois (forclusion) ». Pareillement, la décision de retrait est selon l’OMERT de nature réglementaire et les motifs évoqués doivent figurer explicitement dans la réglementation, ce qui n’est pas le cas malgré les injonctions du Ministre. L’organe de régulation conclut alors qu’il lui sera difficile de prendre une décision de révocation alors même que l’affaire est devant la justice et qu’« il n’est pas opportun économiquement et socialement de révoquer la licence ». De son côté, Madamobil dépose une requête au Conseil d’Etat aux fins de recours pour excès de pouvoir, pour faire annuler la lettre n°10/042 du ministre des Télécommunications (interdiction d’exploiter, de commercialiser et ultimatum de 7 jours pour « payer les sommes dues ») et pour dédommagement de 15 millions USD. Mais Madamobil informe également la Primature qu’elle recherche une solution à l’amiable car sa vocation première est d’investir. Et la société de terminer sa lettre en réitérant qu’elle souhaite discuter et négocier cette affaire au plus tôt.

Une note technique sur le dossier Madamobil écrite le 25 mai 2010 par le Secrétariat Général du Gouvernement (Primature) rapporte que « le cahier des charges d’Intercel fait loi entre les parties et donc s’impose aux tiers quels qu’ils soient » et que « la Loi 2005-023 ne peut pas s’appliquer aux effets de droit créés par la licence de l’Arrêté 95-001 (en vertu de la loi 62-041) ». Cette note mentionne également que « la révocation du transfert risque l’annulation par le Conseil d’Etat » et qu’il est préférable de « dialoguer avec Madamobil pour trouver une solution amiable ». Dans sa pièce numéro 2, la note précise aussi que « le transfert de l’OMERT est donc légal » et que « la licence n’est pas un actif d’Intercel, mais un bien du domaine public de l’Etat faisant seulement l’objet d’une autorisation d’exploitation ». Enfin, la note propose de « procéder à une solution à l’amiable avec Madamobil ; cela afin d’éviter des procédures qui pourraient ternir l’image de l’Administration. Le 17 juin 2010, le désistement du liquidateur est accepté par le Tribunal de 1ère instance d’Antananarivo et le blocage de la licence prend donc fin sans qu’elle ait été tranchée sur le fond. Madamobil, dans sa lettre du 3 juillet 2010, écrit au DG de l’OMERT que le litige devant le Tribunal de Première Instance a pris fin définitivement avec le désistement du syndic d’Intercel. Madamobil estime en outre que le transfert de licence ne peut plus être remis en cause et que par conséquent elle demande une lettre de demande d’interconnexion vers les opérateurs. Mais Telma ne s’avoue pas vaincue est déclare s’être fait nommer « contrôleur de liquidation » par la masse des créanciers d’Intercel, et ce à titre aurait assigné le nouveau syndic, Eric Razafindratandra, en justice pour contester son désistement. Le 14 juillet 2010, le ministre des Postes et des Télécommunications Iharizaka Rahaingoson, nommé au mois de mai, adresse une lettre au Président de la Haute Autorité de la Transition Le ministre rappelle au Président qu’il a eu mandat de réformer le secteur et que Madamobil est un élément bloquant dans son travail et l’empêche de continuer sereinement la réflexion sur la réforme. Le Ministre informe également le Président de la HAT qu’il a étudié en profondeur le dossier et estime que la licence est effectivement illégitime mais qu’elle reste malgré tout légale. Le Ministre estime en effet que le mode d’obtention de la licence par Madamobil est une faille dans la réglementation à cause de son évolution chaotique au fil du temps. Le Ministre estime également que quelles que soient les autres affaires judiciaires concernant Madamobil, elles ne concernent plus le blocage de la licence et ne doivent donc pas interférer dans l’application de la réglementation télécoms. Et le Ministre de continuer que « le blocage du dossier est maintenant entre mes mains, ceux du Premier ministre et les vôtres vu les lettres de mon prédécesseur que je ne veux annuler sans votre consentement ». Iharizaka Rahaingoson n’obtiendra jamais d’entretien avec le Président malgré cette lettre et les nombreuses sollicitations qu’il aurait faites auparavant. L’OMERT écrit le 12 août 2010 aux dirigeants des opérateurs télécoms : « Nous faisons suite au jugement n°139-C. Nous vous rappelons que vous avez obligation d’interconnexion ». Le Premier Ministre réagit presque immédiatement et malgré les notes techniques sur le dossier qui lui expliquent clairement la situation (OMERT, Primature/DLC et Primature/SGG), ordonne au ministre des PTT d’annuler les lettres de l’OMERT et de ré-interdire l’interconnexion des opérateurs. Le 17 août, le ministre Rahaingoson rencontre les membres de la presse pour leur expliquer la situation et affirme que légalement, il n’y a plus lieu d’interdire Madamobil d’exploiter sa licence dont le blocage a été levé par décision de justice n°139-C du jeudi 17 juin 2010. Le même jour, lors du Conseil de Gouvernement qui a suivi cette rencontre avec les journalistes, il remet sa lettre de démission n°10/184-MTPNT/CAB au Premier Ministre en expliquant l’impossibilité de travailler dans des conditions qui sortent de la stricte légalité. Dans la nuit du même jour, la Présidence de la HAT abroge la nomination du Ministre des Postes et des Télécommunications pour « insubordination hiérarchique » par Décret n°2010-759. Le 18 août 2010, soit moins de 24 heures après sa démission, l’Inspection Générale de l’Etat se présente au ministère des PTT avec comme ordre de mission de procéder à une inspection budgétaire, financière et comptable. Iharizaka Rahaingoson demande alors à l’IGE de réaliser l’inspection pour la totalité des exercices 2009 et 2010 et en précisant bien les dates et les acteurs dans le futur rapport. Le lendemain, c’est le Bianco qui appelle le ministre démissionnaire pour l’informer d’une convocation pour s’expliquer en tant que témoin sur l’affaire Madamobil. A travers un communiqué, le ministre a déclaré qu’il est disposé à remettre tous les dossiers concernant Madamobil et se met à la totale disposition de l’IGE et du Bianco.


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