Nos repères économiques : Madagascar redeviendra un pays "normal" en 2014

Tous les ingrédients sont présents pour que la Grande Île mette en place toutes les institutions, et ce dès cette année. La loi de Finances 2014 a été votée par les deux chambres des représentants et le rejet des requêtes pour disqualification par la CES est confirmé. Hery Rajaonarimampianina qui a dévoilé les grandes lignes de son programme, en ligne avec la loi de Finances 2014, sera le premier Président de la IVème République à Madagascar. Perspectives.

par Tsirisoa Rakotondravoavy pour le Journal de l'Economie


 La croissance du PIB à Madagascar (2013, prévisions African Economic Outlook)
Madagascar redeviendra un pays constitutionnellement "normal". Il sera de nouveau "fréquentable" du point de vue économique en 2014. La question sera vérifiée en cette début d'année où la politique tient encore la tête aux actualités de la Grande Île. Chacun attend la proclamation définitive par la Cour électorale spéciale (CES) pour le 18 janvier au plus tard. La validation de ces résultats par tous les électeurs et les candidats sortira Madagascar définitivement du profil d'une économie à risque. Encore une fois, toute l'économie du pays est suspendue à la situation politique tendue. Certes, l'image de la politique tenant en otage toute l'économie plane comme une menace sur la paix fragile gagnée en 2013. Mais d'ores et déjà, l'annonce récente par la CES du rejet des requêtes de disqualifications venant des deux parties nous ramène un peu plus vers la sortie de crise définitive. Cette sortie est tant attendue par tout le milieu économique pour relancer l'économie à Madagascar et surtout regagner la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds qui n'attendaient que ce "déblocage" constitutionnel pour réétudier le "dossier" Madagascar.

La loi de Finances 2014 prévoit de revisiter toutes les bases fondamentales de la relance économique malgache. Certes, quelques économistes ont jugé les mesures socio-économiques prises par cette loi insuffisantes pour redresser au mieux la situation désastreuse de l'économie malgache. Mais les bases sont là, accompagnées de mesures précises à l'exemple de celles au niveau de la douane qui semblent incitatives aux yeux des opérateurs. Les produits provenant de la zone de la SADC (Southern Africa Developement Community) seront exemptés de droits de douane à l'entrée de Madagascar, sauf pour les produits pétroliers considérés stratégiques et "sensibles" . Ce clin d'oeil est à peine voilé et est destiné à cette communauté qui a toujours isolé Madagascar des pays membres depuis la chute de l'ancien régime en 2009. D'aucuns liront entre les lignes une condition mise sur la balance pour que la SADC poursuive le processus électoral auprès de Madagascar après un rejet systématique depuis les dialogues de 2010 et la signature de la feuille de route jusqu'aux élections.
Toujours en matière douanière, un texte prévoit la baisse du taux des droits douaniers pour le matériel comme le quad, très utilisé actuellement par une nouvelle génération d'opérateurs agricoles et industriels en zones reculées. Les opérateurs malgaches ont aussi attendu vainement une baisse de la TVA à 10% pour les produits de grande consommation pour relancer la consommation, mais l'Etat ne voit pas cette baisse comme une solution. Il faut d'ailleurs attendre l'année prochaine pour espérer cette fameuse baisse voulue par le secteur privé car il est impossible de réviser la TVA sur la loi de Finances rectificative.

L'engagement des bailleurs institutionnels à Madagascar en millions de dollars (2013, prévisions)
Ces mesures accompagnent et renforcent d'avantage un secteur fort de l'économie malgache, le secteur secondaire, qui a connu une croissance de 7,9% de production en 2013, contre 5,1% en 2012. Cette performance provient principalement du début de production dans l'industrie minière comme le nickel et le cobalt à Ambatovy, l'ilménite à Fort-Dauphin avec Rio Tinto-QMM mais surtout l'annonce de la préparation production dès 2014 de plusieurs compagnies pétrolières et minières opérant dans plusieurs sites comme Madagascar Oil, Energizer Resources, Niko Resources, Lemur Resources, Exxon Mobil qui vient d'avoir l'extension de ses trois licences en juillet 2013, ... Le secteur de la transformation agricole découvre aussi son nouveau relais de croissance : l'industrie sucrière qui a connu une très bonne année avec des chiffres qui dépasseront les 100.000 tonnes de production en 2012. Le groupe chinois SUCOMA est le seul producteur local actuellement à Namakia, Ambilobe et à Morondava. Le besoin national annuel est de 160.000 tonnes. L'Etat prévoit la mise en place de deux autres usines de production de sucre en 2015 avec de nouvelles concessions comme à Nosy-Be.
Le secteur secondaire devrait croître de 10,5% avec une part prépondérante de 74,6% pour l'industrie extractive.

Balance du compte courant de Madagascar (en milliard de dollars)
L'ombre au tableau se trouve dans l'agriculture comme le cas du riz où Madagascar a produit moins de 5 millions de tonnes en 2013, 21% de moins qu'en 2012. Du coup, Madagascar se retrouve avec 240.000 tonnes à importer pour alimenter le marché local en 2014. La production de manioc et surtout de maïs ont aussi fléchi en 2013 respectivement de 15% et de 14%. Ces signaux semblent avoir été entendus par les autorités de la Transition car les grandes lignes du programme économique de Hery Rajaonarimampianina prévoit l'amélioration de la production. Sur la loi de Finances 2014, le secteur primaire devrait connaitre une croissance de 1,5% grâce à l'agriculture croissant de 0,8% et surtout de la pêche et de l'élevage de 2,8%.

Le secteur des services sera porté par l'activité d'assurance accompagnant les projets miniers avec 113 milliards d'ariary de chiffres d'affaires en 2013 en progression constante de 9% depuis 2010, et le secteur bancaire, croissant respectivement de 4,2% et de 5,3%. Le visage de l'actionnariat des sociétés de services ont d'ailleurs tendance à muer depuis la Transition à Madagascar. Le secteur bancaire a été le plus touché car la BMOI a été cédée à 75% à au groupe français BPCE par BNP Paribas, la BPCE faisant son entrée sur le marché malgache par la même occasion, appuyée par le groupe SIPROMAD pour installer ensemble la Banque des Mascareignes sur la Grande Île. La banque chinoise BICM a quant à elle montré en 2013 ses points faibles avec son difficile redressement. La BNI-CA, lâché par le Crédit Agricole contre l'avis de la commission de supervision bancaire et financière (CSBF), seule autorité légale malgache à pouvoir avaliser la vente. Cette opération a nourri une polémique qui lie le futur président, lui-même étant ministre des Finances au moment des faits et qui a nommé Lantoniaina Rasoloherison, un proche du dossier au ministère des Finances à sa place pendant les vacances, au moment où le groupe First Immo a fait son irruption dans l'affaire.
Dans le secteur des télécoms, Telma a connu une rumeur de vente qui n'a pas été confirmée jusqu'à présent.
Le tourisme, un secteur très dynamique malgré le blocage politique durant la Transition, a connu une croissance interrompue depuis 2009 malgré des chiffres bas par rapport à 2008. Le nombre de visiteurs entrant aux frontières malgaches atteint 255.942 en 2012 contre 225,052 en 2011, et 2013 devrait confirmer cette performance. Ce secteur a rapporté 280 millions de dollars au pays en 2012, mais ceci n'équivaut qu'à 59% de ce qu'il a récolté en 2008. Le secteur du tourisme mérite une attention particulière de la part du gouvernement et fait partie des secteurs qui ont droit à des mesures facilitatrice, dont les groupements hôteliers ne cessent de marteler depuis une décennie.

Comme la fin de l'année 2013, 2014 sera riche en changement. Le nouveau gouvernement élu aura à rassurer l'opinion et à se détacher des "affaires", désormais liées par certains observateurs politiques à la Transition. Sans ce détachement, tous les espoirs de redressement et de liens sereins avec les investisseurs seront mis à mal, et il serait difficile de mener les réformes sectoriels (emploi, transports, tourisme, foncier, ...) nécessaires pour ranimer les forces vives du pays, à commencer par le secteur privé. Après une croissance de 0,4% en 2010, 1% en 2011, 1,9% en 2012 et 2,4% en 2013, Madagascar table sur une accélération à 3% de croissance en 2014. L'agriculture reste le défi majeur au vu de la faiblesse de la production de riz en 2013 d'autant que la loi de Finances 2014 ne prévoit que 185 milliards d'ariary pour appuyer le secteur agricole. Serait-ce suffisant ?

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