ENVIRONNEMENT ET SCIENCES SOCIALES
Point de vue de chercheurs du CNRE
Le Centre National de Recherches sur l'Environnement est un organisme qui mène des recherches sur la connaissance et la préservation de la biodiversité pour l'amélioration de la qualité de vie des communautés rurales et urbaines. En particulier, le département Environnement et Sciences sociales a pour mission la valorisation des ressources humaines aux fins de développement social, culturel et économique durable, l'intégration des innovations pour la sauvegarde de l'environnement et l'étude d'impacts de la gestion de l'environnement sur le milieu social. Lorsqu'on parle de biodiversité, on parle des variétés d'espèces animales et végétales et des pressions anthropiques qu'elle subit mais on omet souvent d'intégrer l'espèce humaine qui est le coeur même de cette biodiversité. Le département Environnement et Sciences sociales du CNRE met l'homme, sa culture, son économie et sa structure communautaire au centre de ses recherches. Son équipe se compose de juristes, d'anthropologues, d'économistes et d'historiens, ce qui permet d'avoir un angle de vue plus élargie du problème du recul de la biodiversité et des conséquences économiques et sociales qu'il implique. Il y a une interaction étroite entre l'homme et la nature, mais, selon le point de vue du département, c'est l'homme qui est le sommet du cycle productif de ce système.
Des indicateurs économiques peu fiables
S'agissant du programme de développement des aires protégées, la conservation des forêts a été privilégiée, souvent au détriment de l'aspect communautaire, ce qui a eu pour conséquences des conflits fonciers avec les populations locales et ce malgré l'application de la Gestion Locale Sécurisée (GELOSE). Il demeure, à Madagascar, une économie moderne et qui n'est pas prise en compte par le pouvoir central et les bailleurs de fonds mais qui est le seul système reconnu par les populations locales. Ainsi, la notion même du droit foncier, de l'échange et de la gestion des ressources est totalement différente de celle qu'on applique dans les administrations modernes, ce qui mène à se demander si les indicateurs de développement actuels sont fiables.
Des impacts parfois néfastes des politiques économiques
Le CNRE se penche sur l'étude d'impact des politiques économiques (constructions de routes et d'adduction d'eau, les microfinances, ...) sur l'organisation socio-économique des populations locales et conséquences sur la biodiversité. Ces politiques économiques ont parfois impliqué une économie de prédation par l'homme sur les forêts en introduisant l'économie de marché dans les communautés traditionnelles. Ainsi, le phénomène des "hatsaka" dans le sud-ouest du pays où on trouve des forêts sèches et denses et dont la biodiversité est très fragile. Trois éléments se sont conjugués : la promotion de la culture de maïs par l'état, la crise économique des années 80, la recrudescence des vols de bétail seule richesse de la population locale. En conséquence, les éleveurs contemplatifs de boeufs se sont reconvertis à la culture de maïs en décimant des milliers d'hectares de forêt. Le sol a été surexploité et mal entretenu jusqu'à épuisement des éléments nutritifs. Cependant, une nouvelle génération de nouveaux riches est apparue désorganisant totalement les modes de consommation et le fondement même des us et coutumes des populations qui avaient auparavant une relation de respect et de conservation des milieux naturels dont ils dépendaient.
Des économies souterraines méconnues
Le CNRE prépare actuellement une étude sur l'impact de la crise politique à Madagascar et met l'accent sur l'économie "souterraine", ou "informelle" selon les administrations, qui est une forme d'économie qui a toujours existé dans notre pays et qui a des règles, des mécanismes, des ingéniosités qu'il faut décrypter car elle constitue largement les sources de revenus et de production de richesse du pays. Ces économies souterraines sont des alternatives où la population puise des ressources en cas de crise et qui permet aux malgaches de se mettre à l'abri quels que soient les facteurs de blocage de l'économie. "Ces économies sont en quelque sorte un sas de mutation, un vestiaire, pour passer d'un système à l'autre. Mais quoiqu'il en soit, les crises augmentent la pression anthropique sur les ressources naturelles", selon Ranaivoson Socrate, chef de département Environnement et Sciences sociales du CNRE.
Andria Fara
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