Texte d'introduction et traduction : Tsirisoa Rakotondravoavy pour le Journal de l'Economie
"Quand il s'agit de la reprise économique de Madagascar, plus rien d'autre n'est négociable."
Tels sont les propos de Hery Rajaonarimampianina, candidat au second tour du mouvement Hery Vaovao pour les présidentielles à Madagascar devant un journaliste du Wall Street Journal le 19 décembre dernier. A l'heure où nous écrivons ces lignes, il est crédité de plus 52% des voix selon les résultats provisoires publiés par la Commission Electorale Nationale Indépendante pour la Transition (CENIT).
Son rival, le docteur Jean-Louis Robinson avait toutes les raisons d'espérer une victoire au lendemain du 20 décembre, jour du scrutin. En effet, ce dernier bénéficiait d'une large victoire, dépassant les 70% des votants, dans les grandes régions des Hauts-Plateaux malgaches comme Analamanga, Bongolava ou au Vakinankaratra. Mais au vu des résultats des régions côtières où Hery Rajaonarimampianina a repris le dessus avec la même proportion, le camp de l'ancien président Ravalomanana a commencé à ne plus y croire et a parlé inévitablement, à tort ou à raison, de fraudes massives. Un peu trop facile disent les observateurs électoraux quand la majorité d'entre eux ont validé le déroulement du scrutin des deux tours en félicitant le gouvernement de la Transition. D'autant que le camp Ravalomanana n'a gagné qu'une trentaine de sièges aux législatives sur les 151 à pourvoir à l'Assemblée Nationale de Madagascar, ce qui pourrait témoigner de l'essoufflement de cette mouvance face à une nouvelle carte politique.
Son rival, le docteur Jean-Louis Robinson avait toutes les raisons d'espérer une victoire au lendemain du 20 décembre, jour du scrutin. En effet, ce dernier bénéficiait d'une large victoire, dépassant les 70% des votants, dans les grandes régions des Hauts-Plateaux malgaches comme Analamanga, Bongolava ou au Vakinankaratra. Mais au vu des résultats des régions côtières où Hery Rajaonarimampianina a repris le dessus avec la même proportion, le camp de l'ancien président Ravalomanana a commencé à ne plus y croire et a parlé inévitablement, à tort ou à raison, de fraudes massives. Un peu trop facile disent les observateurs électoraux quand la majorité d'entre eux ont validé le déroulement du scrutin des deux tours en félicitant le gouvernement de la Transition. D'autant que le camp Ravalomanana n'a gagné qu'une trentaine de sièges aux législatives sur les 151 à pourvoir à l'Assemblée Nationale de Madagascar, ce qui pourrait témoigner de l'essoufflement de cette mouvance face à une nouvelle carte politique.
Du coup, Rajoelina et son équipe, Hery Rajaonarimampianina à la tête, se permettent un optimisme doté d'une sérieuse option pour la magistrature suprême. Mais rien n'est fini tant que la Cour Electorale Spéciale (CES) ne prononce la fin du comptage avec les chiffres définitifs et que la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) ne valide le nom du prochain Président de la IVè République, dont la Constitution a été adoptée par référendum en novembre 2010 pendant la Transition.
Les propos de Hery Rajaonarimampianina sur Wall Street Journal sont livrés sans détour et il a déjà parlé comme le chef d'Etat devant ses devoirs : "Je suis fier de mon peuple... J'ai maintenant le devoir moral de conduire mon pays hors de ses crises politiques, sociales et économiques. Je sais que je peux le faire. J'ai la capacité d'unir le peuple malgache une fois de plus, pour vaincre la pauvreté et atteindre un état de bien-être équitable pour tous... En tant que ministre des Finances et du Budget pendant la Transition, j'ai dû faire face aux besoins de mon pays avec des ressources très limitées... Les principaux dirigeants politiques et les groupes de la société civile travaillent ensemble maintenant. Avec le soutien de la communauté internationale, nous allons rétablir la sécurité, renforcer notre économie et développer la protection sociale et la santé."
Cet économiste de formation, titulaire d'une maîtrise obtenue à l'Université d'Antananarivo en 1982, d'un DEA en finance à l'Université des Trois-Rivières au Québec en 1986 et d'un diplôme d'expert comptable délivré par la Certified General Accountant Association (CGAA) de ce même pays, a créé son cabinet d'expertise comptable et d'audit financier à Antananarivo, le CGA-Auditeurs Associés en 1995 après avoir été professeur et directeur d'études à l'Institut National de Science Comptable et d'Administration d'Entreprises (INSCAE) depuis 1991. Cet établissement a d'ailleurs été financé et qualifié par la Banque Mondiale comme un de ses meilleurs projets d'éducation au monde.
Crédité de ces réalisations, Hery Rajaonarimampianina commence à percer avec son cabinet CGA-Auditeurs Associés dans le milieu des affaires. Le cabinet obtient le mandat d'expert comptable, d'auditeur financier et de commissaire aux comptes auprès des banques et des grands groupes de la place : la BFV-SG, la compagnie Air Madagascar, Total Madagasikara (filiale du groupe français Total), ... Depuis la candidature de Hery Rajaonarimampianina à l'élection présidentielle, ses mandats ont été abrogés ou limités pour éviter le conflit d'intérêts, alors que ce candidat du Hery Vaovao est encore président du conseil d'administration de la compagnie nationale Air Madagascar. Ce sera d'ailleurs la seule ombre au tableau, le mandat de trop.
Car Air Madagascar souffre d'un double déficit structurel que tout le secteur du transport aérien connait. L'image tout d'abord, très écornée auprès des passagers avec les retards répétitifs que la compagnie n'a jamais pu expliquer et redresser depuis des années. L'énième exemple, le 16 décembre dernier, sa hotline
22 510 00 n'était même pas au courant qu'il y a avait des changements d'horaires de vols, pourtant publiés dans un communiqué par tous les médias et signé par la direction de la communication d'Air Madagascar. Et la commerciale au bout du fil d'insister que rien n'a changé, que le vol MD050 décollera à 22h, alors que ça a été avancé à 19h25 sur le communiqué... Puis vient la lourdeur structurelle de la compagnie comparée à ses concurrents, que des spécialistes du transport aérien ont identifié comme le principal problème d'Air Mad. C'est une des rares "petites" compagnies aériennes au monde qui fonctionne avec 1.800 employés et plusieurs directions qui alourdissent ses charges d'exploitation. Même délestée des vols obligatoires dits "sociaux" à l'intérieur du pays, Air Mad a souvent affiché en fin d'exercice un bilan négatif sur les quinze dernières années et elle n'a jamais pu appliquer une vraie stratégie orientée vers le marché, qui se développe très vite au rythme des ouvertures de nouvelles lignes, de nouvelles classes commerciales et de livraisons de nouveaux appareils, relais sur lesquels ses concurrents ont pris de l'avance. Pire, depuis l'annonce des élections, les différentes directions au sein de la compagnie ne "s'écoutent" plus, et la direction générale semble mise au bagne, isolée du reste de la compagnie et paralysée par des luttes intestines vieilles de plusieurs décennies, ces luttes étant alimentées par la politique et les malversations financières, supposées ou avérées.
On parle même dans des rumeurs insistantes du démantèlement d'Air Mad et de l'inévitable privatisation avec l'avènement de la nouvelle administration élue à Madagascar, et ce dès l'année 2014.
Un autre dossier brûlant attend le futur Président de la République, c'est celui de l'énergie avec le cas de la JIRAMA, le fournisseur national d'électricité et d'eau à Madagascar. La solution proposée par Hery Rajaonarimampianina est l'augmentation de la capacité de la JIRAMA à fournir de l'électricité. Cela pourrait se faire avec l'extension de l'infrastructure du réseau national à travers des acquisitions de nouveaux groupes électrogènes diesel à court terme. A moyen terme, Madagascar lancera un appel d'offres international sur le modèle standard international "built-operate-tranfert" (BOT) pour l'implantation de plusieurs unités de production d'énergie dans les grandes villes de la Grande Île et dont les sources seront variées : éolienne, hydraulique, solaire et même biomasse.
L'axe de développement du programme économique du candidat de Hery Vaovao se trame autour des pôles d'activités offerts par chaque région. Il évoque principalement l'appui sur le commerce inter-urbain et international, à travers la construction de nouveaux infrastructures portuaires et aéroportuaires, accompagnés par un régime fiscal incitatif pour le commerce régional. Il mettra en place, parallèlement au développement du commerce régional, un programme d'appui pour l'agriculture, cassant le cercle vicieux de la sous-production, avec l'augmentation du rendement autour de la future bourse de marché régionale pour l'agriculture.
La messe semble avoir été dite. Hery Rajaonarimampianina veut réactiver tous les curseurs économiques, bloqués par la crise politique et les mauvaises décisions sur les politiques économiques que le pays a connus depuis des décennies. Et Jean-Louis Robinson a raté définitivement le coche en ayant axé son tout premier discours sur la rigidité : le retour sans conditions de Marc Ravalomanana. Ce discours a fait reculer plusieurs appuis, nationaux et internationaux, qu'il avait acquis au début de la campagne et a fait sombrer tout espoir d'ouverture vers d'autres tendances politiques anti-Rajoelina.
Les bailleurs de fonds qui sont très impliqués dans le processus électoral seront-ils là pour appuyer ce large programme de Hery Rajaonarimampianina ? Ce dernier puisera-t-il dans son réseau de financiers internationaux s'il est élu ? Madagascar saura-t-il profiter de la croissance que l'Afrique connait en cette période de vent favorable pour les pays du Sud ?
Les résultats définitifs des élections seront connus au début de l'année 2014, annonciateurs d'un renouveau que le Hery Vaovao, ce groupe disparate formé ex-nihilo autour de "Andry et Hery", veut apporter au pays pour rassembler tous les malgaches.
Interview de Hery Rajaonarimampianina sur Wall Street Journal
traduit par Tsirisoa Rakotondravoavy
Mon plan pour le renouveau malgache
"Quand il s'agit de la reprise économique de Madagascar, plus rien d'autre n'est négociable", Hery Rajaonarimampianina.
"Je suis vraiment fier de mon peuple. Pendant quatre ans, Madagascar était dans une crise politique et faisait face à un effondrement économique. Mais les Malgaches ont choisi la seule voie démocratique pour récupérer la stabilité politique : les élections. Le scrutin du vendredi 20 décembre sera la première élection présidentielle organisée dans le pays depuis 2006 .
Il y a eu les révolutions en Tunisie et en Egypte , la guerre en Libye et les guerres civiles au Mali , les conflits en Syrie et dans la République Centrafricaine. Contrairement à Madagascar où des élections sont possibles et réalisées, on a 33 candidats - y compris moi-même - à la présidence cette année. Les observateurs internationaux comme l'Organisation des Nations Unies, l'Union Africaine, l'Union Européenne, les États-Unis et le Japon ont d'ailleurs validé le vote du premier tour en octobre en le classant de "libre , transparent et crédible."
Ma fierté vient aussi du fait que j'ai pris la responsabilité morale. En tant que ministre des Finances de 2009 jusqu'au début de cette année, sans aucun soutien financier de la communauté internationale, j'ai réussi à maîtriser l'inflation et à payer les fonctionnaires et agents de l'Etat en temps utile. J'ai dû faire face aux besoins de mon pays et lutté contre la pauvreté avec des ressources très limitées. Je connais nos forces et nos faiblesses, et surtout la valeur de notre engagement auprès du concert des nations.
J'ai maintenant le devoir moral de conduire mon pays hors des crises politiques, sociales et économiques. Je sais que je peux le faire. J'ai la capacité d'unir le peuple malgache une fois de plus, pour vaincre la pauvreté et atteindre un état de bien-être équitable pour tous. Les principaux dirigeants politiques et les groupes de la société civile travaillent déjà ensemble. Avec le soutien de la communauté internationale , nous allons rétablir la sécurité, renforcer notre économie et développer la protection sociale et la santé.
J'ai appris dans ma vie professionnelle, en tant qu'associé fondateur d'un important cabinet d'expertise comptable malgache, ainsi que du ministère des Finances, que nous réussirons si nous avons un projet clair et la détermination pour l'appliquer. Aussi, si je suis élu président, dans les 100 premiers jours de mon administration, je mettrai en œuvre des mesures concrètes pour changer immédiatement la vie quotidienne des Malgaches .
La sécurité est la première des libertés. Nous allons utiliser les technologies modernes et une nouvelle allocation des ressources pour rétablir la sécurité dans les zones rurales et urbaines de Madagascar et surtout sur les routes. Il est insupportable que les citadins sont aujourd'hui obligés de rester chez eux après 20 heures, contrairement à d'autres pays, en raison de l'insécurité dans les rues. Gangsters, des voleurs, des violeurs et des bandits de la route n'ont plus peur. Des villageois sont tués, les zébus sont volés. Les voyageurs sont attaqués. Des touristes sont abattus. L'impunité a laissé la place au chaos. Maintenant, nous allons riposter. La peur va changer de côté.
L'allocation des ressources pour faire appliquer la loi sera réaffectée. Nous mettrons en place des patrouilles de police régulières et déployer de nouveaux dispositifs de opérations ciblées. Nous allons négocier avec les opérateurs de téléphonie mobile pour permettre à chacun, que ce soit dans la brousse ou dans les villes, pour alerter les forces de l'ordre sur la moindre infractions, et ce, gratuitement.
Les réseaux mobiles couvriront l'ensemble de notre territoire. Chaque chef d'un district rural sera équipé d'un téléphone mobile. Nous allons également former une nouvelle force de réaction rapide et les équiper avec du matériel de pointe afin de s'assurer qu'ils répondent et réagir aux appels d'urgence. Les forces de sécurité vont effectuer des patrouilles de nuit sur les routes nationales, pour permettre à des convois de camions et de taxis brousse de rouler en toute sécurité toute la nuit . Les vérifications des organes de sécurité seront effectuées régulièrement.
Une fois que nous sommes en sécurité, nous accéderons à un autre mode de vie. Le secteur privé n'est pas seulement le moteur du développement économique, mais aussi le moyen par lequel les hommes et les femmes malgaches trouveront leur dignité et leur liberté par le travail. Mon administration soutiendra notre économie en augmentant les infrastructures électriques et d'alimentation des foyers et des lieux de travail. Notre capacité actuelle n'est pas suffisante. L'électricité est un pilier central du développement, donc mon administration va acquérir des groupes électrogènes diesel pour répondre aux besoins à court terme de notre pays. Nous allons également lancer un appel d'offres international sur le mode du standard international "built-operate-transfert" (BOT) pour l'implantation de plusieurs unités de production d'énergie dans les grandes villes de la Grande Île et dont les sources seront variées : éolienne, hydraulique, solaire et même biomasse.
Comme ministre des Finances , je voyais clairement combien il est important pour les malgaches d'augmenter le flux commercial interurbain et international. À cette fin , mon administration rénovera notre infrastructure portuaire et aéroportuaire dans tout le pays et mettra en place un régime fiscal plus incitatif pour accroître le commerce régional.
Notre richesse nationale dépend aussi de notre productivité agricole. La longue période de manque d'investissements et de diminution constante de la quantité et de la qualité de nos cultures et de bétails, doit cesser. Nous devons briser ce cercle vicieux en offrant des rendements plus élevés aux agriculteurs avec de meilleurs plants et des animaux d'élevage de bonne qualité. Mon administration créera une bourse régionale de l'agriculture qui va organiser notre marché agricole interne. Nous mettrons également en place un programme national pour l'amélioration de l'élevage .
En tant qu'économiste, je crois fermement en la nécessité absolue de l'expansion de la classe moyenne afin de stabiliser notre pays. L'accès au crédit est crucial pour permettre aux gens de créer leur propre entreprise et échapper à la pauvreté . Le commerce équitable va encore s'accroître avec les effets bénéfiques de l'accès au crédit . Ainsi, nous allons créer une société de microfinance nationale, une filiale de la Banque Centrale de Madagascar et en partenariat avec les organisations internationales à but non lucratif. Cette société de microfinance nationale offrira de petits prêts, des comptes d'épargne et des services de micro-assurance.
En outre, nous allons initier des partenariats public-privé pour la création de coopératives agricoles ou artisanales. Ceux-ci travailleront avec des groupes internationaux actifs dans le commerce équitable pour améliorer le niveau de la richesse nationale. Les partenariats offriront aux malgaches et aux petites entreprises l'accès aux marchés internationaux, l'accroissement de leur rentabilité et pourront générer de nouvelles recettes fiscales.
Au sens large, notre programme vise à rétablir la confiance en l'Etat malgache comme un exécuteur impartial et efficace de la loi, le garant de la justice et l'allié contre la corruption. C'est une réponse aux attentes du peuple malgache. Nous allons également accroître l'attrait international de Madagascar et restaurer la confiance des investisseurs étrangers, assurer une plus grande sécurité, avec de nouvelles incitations fiscales et une transparence dans la gestion de l'exploitation des ressources naturelles et minières.
Madagascar est aujourd'hui confronté à des défis réels. Nous n'allons les surmonter ni facilement ni rapidement. Trop de choses sont à faire. Mais nous y parviendrons étant unis derrière chaque objectif. C'est pourquoi je tends la main à ceux qui n'ont jamais été mes amis, qui n'ont jamais été de notre côté, contre qui nous nous sommes parfois battus. Aujourd'hui, quand il s'agit de la reprise économique de Madagascar , plus rien n'est négociable.
Je me tourne vers tous les Malgaches, vivant à Madagascar et à l'étranger, déçus ou non par la politique dans le passé, tant qu'ils aiment encore leur pays. Nous devons nous unir maintenant dans la conviction qu'ensemble, tout est possible. Ensemble, nous vaincrons !"
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