Le groupe français Castel dans la tourmente de la Transition au Burkina

Nicolas Marmié/Journal de l'Economie
"Castel, y en a pas, y a seulement Heineken mais c'est plus cher". Désarroi  et colère chez les nombreux Ouagalais amateurs de bière quand ils entendent cette réponse du serveur. Une pénurie frappe le millier de "maquis" (bars à ciel ouvert) qui, telles des étoiles dans la nuit, jalonnent les rues de la capitale du Burkina Faso. Un mouvement social d'une grande dureté a paralysé depuis la mi-mars la BRAKINA, la seule brasserie de Ouagadougou. Propriété du groupe bordelais Famille Castel (bières, vins et spiritueux dont le siège est à Blanquefort et numéro un en Afrique). La BRAKINA, dirigée par le bordelais Marc Pozmentier,  est officiellement sortie le 31 mars d'un conflit social né fin janvier sur fond de revendications salariales.

Il a fallu l'intervention personnelle de Pierre Castel, PDG du groupe éponyme, et son déplacement en urgence à Ouagadougou pour trouver une issue à cette crise dont beaucoup s'interrogeaient sur les menaces qu'elle faisait planer sur l'ordre public. Pour sceller officiellement l'accord trouvé à l'arraché et alors que les "maquis" étaient désertés par les clients, Pierre Castel a été reçu par le président de la Transition en personne, Michel Kafando.
Depuis le 24 mars, date de la reprise de la grève BRAKINA a perdu "500 à 600 millions de FCFA (près d'un million d'euros) par jour. Et c'est aussi 150 à 200 millions de FCFA de taxes qui ne sont pas versées à l'Etat" s'inquiétait le DG de BRAKINA. Les salariés réclamaient une augmentation de 80% de leur salaire "alors que le moins bien payé d'entre eux gagne 5 fois le salaire minimum (35.000 FCFA/53 euros)" s'étrangle un opérateur économique de la place, interrogé par Journaldeleconomie.com, à la terrasse du "CAPPUCINO", le café le plus cher de la ville. Pierre Castel a fait quant lui une ultime proposition de 15 % d'augmentation pour obtenir cet accord à l'arraché. Déjà confrontés à d'incessantes pannes d'électricité qui les exaspèrent, les Ouagalais, toujours prompts à descendre dans la rue pour manifester leur colère, ne plaisantent pas plus avec la bière qu'avec le droit de grève. Présent en Afrique depuis les années 80 et numéro un dans une dizaine de pays (Gabon; Maroc, Cameroun, Côte d'ivoire..) le groupe Castel, concurrent vigilant du néerlandais Heineken, s'est proclamé dans son slogan publicitaire "roi d'Afrique". Le "remplaçant de Moammar Kadhafi"; comme le surnomment de nombreux Ouagalais, s'est donc vu directement confronté au climat délétère des affaires au Burkina. Depuis l'insurrection populaire d'octobre 2014 qui a vu s'effondrer le régime du président putschiste Blaise Compaoré  et en attendant les prochaines élections générales d'octobre 2015 "le Pays des Hommes intègres" vit une phase de Transition exécutive. Une période délicate propice à de nombreux règlements de compte politiques et économiques.

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