Journal de l'Economie | Insight Desk
Les banques africaines connaissent actuellement un basculement sans précédent. Des logiques de concentrations et de partenariats se forment et tous les secteurs d'activités de l'Afrique misent sur une ouverture des capitaux attendue depuis toujours sur le continent. Ce basculement pourrait s'expliquer par deux points.
Le premier point est la croissance économique de 5% attendue sur toute la région subsaharienne. Comme il a été repris dans nos colonnes dernièrement, cette croissance se fera seulement en intégrant tous les secteurs d'activités : infrastructure, transports, logistiques, distributions, tourisme, mines et pétrole, ... Ces secteurs connaissent tous actuellement une période de surchauffe et les majors mondiaux, de l'Occident et de l'Orient, sont à l'affût de toute forme d'ouverture : investissements, ouverture de capitaux et participations, joint-venture, ...
Le premier point est la croissance économique de 5% attendue sur toute la région subsaharienne. Comme il a été repris dans nos colonnes dernièrement, cette croissance se fera seulement en intégrant tous les secteurs d'activités : infrastructure, transports, logistiques, distributions, tourisme, mines et pétrole, ... Ces secteurs connaissent tous actuellement une période de surchauffe et les majors mondiaux, de l'Occident et de l'Orient, sont à l'affût de toute forme d'ouverture : investissements, ouverture de capitaux et participations, joint-venture, ...
Le deuxième point se repose sur un fait. Les bailleurs de fonds institutionnels, Banque Mondiale et Fonds MonĂ©taire International (FMI) en tĂªte, ont ratĂ© le tournant vers la croissance de l'Afrique. Ils ont financĂ© et endettĂ© le continent sans accompagner les vrais projets de croissance. Certains pays subsahariens veulent se tourner vers d'autres partenaires. Certes, la SFI (SociĂ©tĂ© Financière Internationale), la branche financière de la Banque Mondiale, a su diversifiĂ© son portefeuille en Afrique subsaharienne mais d'autres acteurs plus agressifs Ă©taient nĂ©s vers les annĂ©es 2010, après la crise financière mondiale de 2008. Il s'agit de la Banque des BRICS, dirigĂ©e par l'indien Kundapur Vaman Kamath et dotĂ©e de 50 milliards de dollars de capacitĂ© initiale que les pays fondateurs, le BrĂ©sil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, veulent Ă©tendre Ă plus de 100 milliards de dollars. La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII), tirĂ©e par la puissance de la Chine liĂ©e Ă l'Inde, a suivi peu après. La BAII veut profiter de la prĂ©sence croissante de l'Inde et de la Chine en Afrique, et notamment de leur expertise sur les investissements dans les grandes infrastructures africaines.
Dans un entretien avec Financial Afrik, Lionel Zinsou, prĂ©sident de PAI Partners et ancien directeur Moyen Orient et Afrique de la banque Rothschild, parle en connaisseur. Zinsou Ă©voque les grands projets d'infrastructures conçus dans plusieurs pays, Ă l'exemple de Tanger MĂ©diterranĂ©e au Maroc qui rĂ©alise 40% du trafic avec le reste de l'Afrique et 15% avec l'Europe, y compris les installations off-shore que le site comporte. Renault-Nissan y est prĂ©sent avec des unitĂ©s de production. La zone profite Ă la rĂ©gion du Sud de l'Europe et au Maghreb, mais aussi aux autres pays africains environnants. Et pour cause, le SĂ©nĂ©gal et la Mauritanie viennent d'Ăªtre reliĂ©s par un nouveau pont. Le Mali s'ouvre avec tous ses voisins par les nouvelles routes et les voies ferrĂ©es. La GuinĂ©e installe une nouvelle centrale Ă©lectrique qui pourrait alimenter tous ses voisins. Au centre de l'Afrique, les pays du Grand Lac finance l'installation d'une centrale hydroĂ©lectrique pour toute la zone. Et Ă l'autre bout du continent, Madagascar avance sur l'agrandissement du port de Tamatave, Ă l'Est, et la rĂ©novation de ses aĂ©roports internationaux d'Antananarivo et de Nosy-Be.
Mais toutes ces infrastructures ont toutes Ă©tĂ© possibles Ă rĂ©aliser grĂ¢ce Ă une Ă©tape que l'Afrique a su nĂ©gocier en se dĂ©complexant : le financement. Pour s'y faire le visage des banques de dĂ©veloppement en Afrique a Ă©voluĂ© suivant les demandes. Lionel Zinsou explique :
"Il y a des financements Ă long terme sur des horizons de 30 Ă 50 ans adaptĂ©s Ă la construction de grands ouvrages comme les centrales Ă©lectriques, les projets Telecoms et les infrastructures. Il y a certes un chaĂ®non manquant car tous les projets ne sont pas immĂ©diatement rentables. Pour exploiter les ressources minières enclavĂ©es, les chemins de fer sont nĂ©cessaires. Des moyens palliatifs comme l’aide publique sont parfois nĂ©cessaires. Les grands pays Ă©mergents ont tous fait recours aux Eurobonds pour se financer. Il faut des instruments financiers adaptĂ©s permettant d’associer le privĂ© et d’obtenir des diffĂ©rĂ©s de remboursement et des maturitĂ©s longues.
L’Ă©pargne constitue entre 15 et 20% du PIB africain, soit deux fois le niveau japonais, quatre Ă cinq fois l’AmĂ©rique du Nord. C’est toutefois moins que la Chine qui Ă©pargne l’Ă©quivalent de 40% de son PIB. Il faut dire aussi qu’il y a des variations d’un pays Ă l’autre. Les pays exportateurs de pĂ©trole ou disposant d’une rente minière ont des surplus et peuvent faire face aux dĂ©penses courantes voire rĂ©server une partie pour les gĂ©nĂ©rations futures. L’exemple le plus achevĂ© est le fonds diamant du Botswana. Il y a l’Ă©pargne des entreprises tirĂ©e de leurs profits et l’Ă©pargne des mĂ©nages très peu utilisĂ©e. Par le passĂ©, l’Ă©pargne dĂ©tenue dans les banques ne finançaient que les crĂ©dits de campagne agricole et jamais par exemple les logements, contrairement Ă l’Afrique du Nord et l’Afrique Australe.
Encore aujourd’hui, en Afrique intertropicale, les banques n’accordent que des financements Ă court terme. Par le passĂ©, il fallait toujours s’endetter Ă l’Ă©tranger avec de la monnaie forte pour rĂ©aliser des projets. Maintenant, l’on assiste Ă une certaine sophistication avec l’utilisation du marchĂ© financier. L’on sent une certaine profondeur de l’Ă©pargne. Toutes les obligations Ă©mises rĂ©cemment ont Ă©tĂ© sur-souscrites. L’Ă©pargne oisive devient peu Ă peu active. NĂ©anmoins, le total des actifs financiers (actifs bancaires, actions et obligations) reprĂ©sente seulement une fois le PIB du continent. Ce n’est pas assez comparĂ© aux pays avancĂ©s oĂ¹ ces actifs reprĂ©sentent quatre fois le PIB. L’on observe en outre un certain dĂ©sĂ©quilibre entre les 23 Bourses actives en Afrique. A elle seule, l’Afrique du Sud reprĂ©sente les deux tiers des actifs financiers du continent. Cela dit, la tendance gĂ©nĂ©rale est positive. D’une manière gĂ©nĂ©rale, la mobilisation de l’Ă©pargne s’intensifie avec le dĂ©veloppement des banques panafricaines. Le micro-crĂ©dit joue un rĂ´le non nĂ©gligeable dans la mobilisation de cette Ă©pargne africaine.
L’idĂ©e qu’on a dĂ©veloppĂ© avec Tidiane Thiam, Hubert Vedrine, Jean-Michel Severino et Hakim El Karaoui est que les vrais acteurs du changement sont les sociĂ©tĂ©s civiles. Et dans l’expression «sociĂ©tĂ©s civiles», il y a les entreprises. Qui aurait pu imaginer, il y a vingt ans, que la marocaine Attijariwafa Bank sera la première banque de la zone CFA, qu’Ecobank, capitaux Ă dominance sud-africaine et nigĂ©riane, allait Ăªtre le premier rĂ©seau panafricain, que la BMCE allait prendre le contrĂ´le de la BOA et Ăªtre la première banque du Mali et du Benin? Personne n’aurait imaginĂ© ce scĂ©nario. Tous pensaient que cela se jouerait entre le CrĂ©dit Lyonnais vendu Ă Attijariwafa Bank en ce qui concerne sa partie africaine, la standard Chartered et la Barclays. Or, c’est l’inverse qui s’est produit. C’est Stanbic de l’Afrique du Sud, Absa et BMCE Bank qui se sont dĂ©veloppĂ©es. Il faut encore s’attendre Ă des surprises."
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