Le Luxembourg, la "place" préférée des banques françaises


Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et ancien ministre des Finances du Luxembourg, mal à l'aise, devant la question de la youtubeuse Laetitia Nadji



Journal de l'Economie | Tsirisoa Rakotondravoavy | CCFD - Terre Solidaire | Oxfam | Caritas France


PARIS 20/09/2016 (journaldeleconomie.com) -- En 2015, les banques ont rendu public des documents certifiant l'essentiel des informations sur leurs activités et résultats, et notamment les impôts divers qu'elles paient dans leur pays d'implantation respectifs. Cette série de publication a donné l'espoir d'une transparence progressive dans les activités bancaires mondiales, restées opaques jusqu'alors, surtout que la plupart d'entre elles sont liées ou possèdent des filiales dans les paradis fiscaux. L'ONG Oxfam, CCFD-Terre Solidaire et Caritas France - Secours catholiques ont suivi les publications d'informations de ces cinq banques françaises et mené des enquêtes sur leurs activités récentes.
Pour ces banques françaises, le Luxembourg est le paradis fiscal par excellence, se trouvant au cœur de l'Europe, pas loin des institutions de l'Union européenne et dont le président de la Commission européenne n'est autre que le plus célèbre des luxembourgeois en activité, Jean-Claude Juncker. Ce dernier a par ailleurs été soumis à l'interview de Laetitia Nadji, youtubeuse et écolo convaincue, qui devait poser des questions "lisses" avec l'assentiment de Youtube dont l'équipe a prévenu la Youtubeuse : "Tu ne vas pas quand même te mettre à dos la Commission européenne". Mais Laetitia Nadji a passé outre les "pressions" et a lâché ceci dans sa première question : "Vous qui étiez ministre des Finances pendant 18 ans du plus grand paradis fiscal de l'Europe, le Luxembourg, et actuellement président de la Commission européenne, censée tenir la mission sur la lutte contre l'évasion fiscale, ce ne serait pas désigner comme Chef de la Police un braqueur de banques ?"
Les documents publiés par BNP Paribas, Société Générale, Banque Populaire - Caisse d'Epargne (groupe BPCE), Crédit Agricole et Crédit Mutuel ont révélé, selon cette enquête conjointe, une différence entre les activités réelle de ces banques et les bénéfices qu'elles ont réalisées dans les paradis fiscaux. Un tiers du bénéfice réalisé par ces banques à l'international est enregistré dans les paradis fiscaux, où leurs filiales ne pèsent officiellement qu'un quart de leurs activités globales. Ce qui représente seulement un cinquième des impôts déclarés et un sixième de la totalité de leurs employés.

Si d'autres pays comme l’Ireland, les Pays-Bas, le Lichtenstein, ou la Belgique font partie des paradis fiscaux actifs en Europe, le Luxembourg est de loin le préféré de ces banques où elles ont réalisé 1,71 milliards d'euros de bénéfice en 2014 à 11% des bénéfices globaux, devant la Belgique à 1,66 milliards d'euros. Ces cinq banques ont réalisé 60% de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux divers en Europe comme en Suisse et à Monaco, mais aussi à Singapour, dans le Delaware aux Etats-Unis, et la liste est longue.

Un salarié de cinq banques est en moyenne 2,6 fois productif dans les paradis fiscaux que dans les pays "normaux", en rapportant chaque année à sa banque 1,8 millions d'euros, un volume 31 fois plus important que l'ensemble des salariés. L'enquête indique également l'existence de 34 cas de filiales offshore de ces banques où ne figurent aucun effectif, à l'exemple des Îles Caïmans qui rapportent pourtant à "16 filiales de banques françaises" 45 millions d'euros de bénéfices déclarés en 2014.

Le plus édifiant dans ce rapport est évidemment le volet fiscal, où les banques ne paient que la moitié de ce qu'elles paient ailleurs comme impôts dans les paradis fiscaux, à taux de profits égaux. 19 cas de bénéfices déclarés par ces banques ne sont aucunement imposés alors que l'ONG Oxfam dénonce jusqu'à 60 milliards d'évasion fiscale chaque année en France.

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