Audit interne à la Banque Mondiale : le rapport "Doing Business" suspendu


La Banque Mondiale a suspendu son rapport Doing Business, qui classe les pays en fonction du coût et la facilitation d'installation d'entreprises. "Un certain nombre d'irrégularités ont été signalées concernant des modifications des données dans les rapports Doing Business 2018 et Doing Business 2020", a déclaré l'institution internationale dans un communiqué le 27 août.





La Banque Mondiale a déclaré qu'elle avait informé les autorités des pays les plus touchés, mais ne les a pas nommés. "Nous agirons sur la base des résultats et corrigerons rétrospectivement les données des pays les plus touchés par les irrégularités", a ajouté le communiqué.





Le Wall Street Journal a rapporté que les données sur la Chine, l'Azerbaïdjan, les Émirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite "semblaient avoir été modifiées de manière inappropriée". Si c'est confirmé, les données modifiées pourraient affecter le classement des cinq pays. Le dernier rapport, par exemple, a montré une nette amélioration dans les économies du Moyen-Orient, l'Arabie saoudite grimpant de 30 places.





Autre fait exceptionnel, le dernier rapport, publié l'année dernière, classait le Togo et le Nigéria parmi les 10 pays qui avaient le plus progressé et représentaient collectivement "un cinquième de toutes les réformes enregistrées dans le monde". Aucun rapport n'indique que les scores de l'un ou l'autre pays aient été falsifiés.





Dans le même rapport, seules deux économies subsahariennes, l'île Maurice et le Rwanda, se classaient parmi les 50 premières. Le Kenya, l'Afrique du Sud, la Zambie, le Botswana et le Togo se classent parmi les 100 premiers tandis que le Soudan du Sud, l'Érythrée et la Somalie se classent parmi les plus faibles au monde.





La décision de suspendre les classements est également susceptible de raviver la polémique autour du rapport annuel, en particulier dans les méthodologies établissant les classements, déjà très critiquées par des cabinets d'analyses.





Au cours des 17 années de publication, les rapports Doing Business ont accumulé "une influence surprenante sur les politiques réglementaires mondiales", selon des analystes en 2019. Les chercheurs ont constaté que les classements affectent fortement les politiques alors que les gouvernements procèdent à des réformes pour améliorer tout d'abord leur classement en lieu et place de la réalité économique des pays.





Données erronées et démissions d'économistes en chef





"Les changements au fil du temps dans les classements Doing Business ne sont pas particulièrement significatifs. Ils reflètent en grande partie les changements de méthodologie et d'échantillons, que la Banque Mondiale fait chaque année sans correction des chiffres antérieurs, ni prise en compte des changements de la réalité sur le terrain", ont révélé des chercheurs du Center for Global Development en février 2018.





En juin, l'institution de Bretton Woods a nommé Carmen Reinhart comme nouvelle économiste en chef. Les deux prédécesseurs de Reinhart, Penelope Koujianou Goldberg et Paul Romer, ont démissionné de leurs postes après moins de deux ans d'activités. Paul Romer a démissionné en janvier 2018 après avoir déclenché une controverse autour du classement du Chili dans le rapport Doing Business, qui, selon lui, aurait pu être délibérément abaissé sous la présidence de Michelle Bachelet, politiquement classée à gauche.





Suspicions de pistes de blanchiment des aides





La Banque mondiale a également du mal à étouffer les retombées de la publication d'un rapport interne qui examine le mode de capture par les élites de l'aide internationale dans les pays en développement. La principale conclusion de l'étude établit que les aides internationales à distribuer "coïncident avec des augmentations significatives des dépôts détenus dans des centres financiers offshore protégés par le secret bancaire".





La Banque Mondiale a déclaré avoir diligenté un audit interne sur ces points, notamment sur l'intégrité des données provenant des gouvernements, que ses équipes manipulent régulièrement.


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