L'AFD aura bientôt 80 ans, et présentera un nouveau thème : "Du côté des autres"

Le dernier sommet Afrique-France, en octobre 2021 à Montpellier, était révélateur à plus d'un titre sur les relations franco-africaines actuelles. Jamais pareil sommet n'a été le théâtre d'une relation délétère entre l'Afrique et la France. Pourtant, cette dernière a beau avoir tout fait pour "faire oublier" les affres des périodes de la Françafrique et ce dernier mot lui- même, porteur de tous les maux sur une époque parsemée "d'amour et de haine" dans l'histoire entre la France avec les pays d'Afrique, en avançant des outils plus diplomatiques et orientés vers l'économie, comme l'Agence française de développement (AFD).

Si, avant le sommet de Montpelier, l'Elysée avait rappelé tous ses engagements depuis 2017 envers l'Afrique, en listant de manière presque exhaustive les projets sur lesquels la France a et aura investi, le président Emmanuel Macron s'attendait à des répliques piquantes venant des pays d'Afrique. Cela ne pouvait se passer autrement à Montpellier car la France a décidé de bannir les chefs d'Etats et les politiques de sa liste d'invités, et d'intégrer des jeunes africains, entrepreneurs et activistes, connaisseurs de leurs pays et de leurs propres situations. L'AFD, représentée à Montpellier par son directeur général Remy Rioux (photo), est également une entité intimement liée à ces situations africaines.

Ainsi, entre autres interventions disruptives, celle d'Adam Dicko, activiste venant du Mali est porteuse de ce malaise dans les relations franco-africaines : "Arrêtez votre discours paternaliste. Nous n’avons pas besoin d’aide, nous avons besoin de coopération. La rupture a été voulue par les Africains, il ne faut pas croire qu’elle se décide à Montpellier. L’Afrique n’est pas un continent de misère ou de chômage, mais un continent jeune, optimiste, enthousiaste". 

Avec Lova Rinel, une malgache président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), et Sandrine Naguertiga, entrepreneuse et blogueuse du Tchad, Adam Dicko a avancé la légitimité de leurs propos et de leur responsabilité face à un Emmanuel Macron qui avait tenté auparavant d'abandonner le mot "aide" pour le remplacer par "investissement solidaire". "Nous sommes légitimes, parce que nous sommes victimes de cette relation Afrique-France et parce que nous sommes maintenant acteurs de cette relation", avait conclu Adam Dicko.

L'AFD "Du côté des autres" : croissance post-crise sanitaire, Afrique, climat, jeunes, minorités, ...

A presque 80 ans d'existence, l'AFD a pris acte de l'issue du sommet de Montpellier, cristallisant les frustrations et les incompréhensions, mais également des engagements de la France depuis 2017 à Ouagadougou, en tant que colonne vertébrale ses relations économiques avec les autres pays, notamment l'Afrique.

Le 2 décembre 2021, l'AFD fêtera officiellement ses 80 ans au Jardin des Plantes à Paris. Rémy Rioux, en présence du président Macron, y tentera un exercice d'équilibriste, en présentant son rapport à travers les activités des 85 agences de l'AFD dans 115 pays pour 12 milliards d'euros à engager en 2021, et surtout en dissertant sur les changements à apporter par l'AFD dans sa manière de faire et d'être. Le thème choisi n'a rien de hasardeux : "Du côté des autres".

La finance pour le climat semble être une des grandes priorités des partenaires techniques et financiers de l'Afrique, dont fait partie intégrante l'AFD. Bien avant la conférence COP26 de Glasgow, Rémy Rioux a présidé le sommet Finance en commun à Rome. Il y a fait un appel aux banques publiques pour appuyer la décarbonisation de l'économie. Cet appel donne le ton sur la nouvelle orientation, presque une urgence, de l'AFD menée par son directeur général. 

Au sujet de l'engagement des banques publiques, notamment celles des Etats du G20, Rémy Rioux a répondu à Le Point : "On est dans un moment de tension et d'incertitude, et le succès de Glasgow dépend bien sûr de ce que les chefs d'État du G20 décideront quelques heures plus tôt au sommet de Rome. Mais je veux qu'ils sachent qu'ils ont un très solide appui dans la communauté de toutes les banques publiques de développement que nous avons réunie au sein de l'initiative Finance en commun. Nous en avions dénombré 450 lors de notre premier sommet l'an dernier à Paris. Elles étaient 530 à Rome cette semaine, avec une capacité de financement cumulée de 2.500 milliards de dollars par an. Je parle des banques internationales, comme la Banque mondiale ou l'AFD, mais aussi aux banques nationales, comme la Caisse des dépôts en France, qui représentent 70% du total. Avec leur capacité unique de connecter leurs gouvernements à la société civile et au secteur privé. Et de lier le public et le privé, le court et le long terme".

La lourdeur des décisions du sommet de Rome, à travers ces propos de Rémy Rioux, s'est ainsi fait sentir à la COP26 à Glasgow. Cette conférence sensée apporter des solutions face aux urgences climatiques à fait resurgir les mésententes entre les pays, résumé par le fameux "Que du blabla" de l'activiste Greta Thunberg. Mais les bonnes actions prennent du temps, le "temps long" cher à Macron qu'il a annoncé au début de son mandat, et nécessitent de l'engagement. Des engagements, comme l'a décrit l'Elysée, avant le sommet de Montpellier, dont l'AFD sera le bras armé.  

Partenariats multilatéraux : la BAD et l'AFD en locomotive en Afrique

"La pandémie de Covid -19 a creusé les inégalités à l’échelle mondiale et a perturbé la voie vers la réalisation des Objectifs de développement durable. Les banques publiques de développement actives sur le continent ont un rôle clé à jouer dans le financement de la reprise post-Covid en Afrique. Nous devons renforcer nos partenariats, en mettant en commun nos ressources financières et notre expertise, en alignant nos objectifs et nos procédures, afin d’être plus efficaces et de répondre aux besoins de nos clients. Tel est l’esprit de l’accord de cofinancement que je suis très heureux de signer aujourd’hui avec mon cher ami Akinwumi Adesina et notre partenaire de longue date, la Banque africaine de développement. Finançons en commun", a expliqué Rémy Rioux au sujet des relations institutionnelles à relancer.

L'AFD et la BAD ont ainsi continué à mener les choses vers l'avant en débloquant 2 milliards d'euros pour l'Afrique sur les secteurs clés tels comme les infrastructures, l’eau et l’assainissement, l’agriculture et le secteur privé, et ce sur la première moitié de la période 2021-2026. 

La BAD est le quatrième partenaire financier de l'AFD, son premier partenaire parmi les banques multilatérales régionales. L’AFD est, quant à elle, le premier partenaire financier bilatéral de la BAD.

Le président de la BAD, Akinwumi Adesina a conclu : « Cet accord est spécial car l’Agence française de développement est l’un de nos partenaires les plus importants. Nous avons accompli beaucoup de choses en travaillant ensemble et je sais que nous continuerons à faire de bonnes choses pour l’Afrique. Je suis très enthousiaste pour l’avenir. » « Il s’agit à la fois d’un partenariat officiel et personnel, porté par des êtres qui ont la même vision stratégique. Mon cher ami Rémy Rioux est un ami fidèle et cher à l’Afrique. Il est important pour le continent africain d’avoir une émergence économique plus forte après le Covid-19, et il peut le faire avec un soutien solide de ses partenaires au développement. La Banque africaine de développement et l’Agence française de développement, travaillant de concert avec nos pays à de nombreux niveaux, peuvent y parvenir".


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