Monnaies : 1€ = 1$ , risques et conséquences durables d'un dollar fort


Le lundi 22 août 2022, les marchés, européen et américain, ont constaté une nouvelle débâcle de l'euro. A 8h20 GMT, sa valeur a égalé celle du dollar, 1€ = 1$ . Quelques instants auparavant, la monnaie unique européenne a dévissé à 0,9994 dollar.

La Réserve fédérale américaine (FED), à travers plusieurs membres de l'institution, a en effet annoncé vouloir soutenir le dollar en resserrant sa politique monétaire. Ce qui n'est pas le cas de la Banque Centrale Européenne et de la Banque d'Angleterre, deux zones monétaires qui subissent directement la hausse du prix du gaz. L'euro se rapproche de son niveau le plus bas de l'année avec 1 dollar qui vaut 0,9994 euro perdant 0,35%. 


De son côté, le dollar s'est apprécié de 11% depuis le début de l'année 2022. En 20 ans, c'est la première fois qu'il a atteint la parité avec l'euro. Dans la même foulée, plusieurs devises se sont dépréciées dans le sillage de la chute de l'euro.

Trois raisons ont tiré le dollar vers cette hausse : une forte demande du billet vert due au ralentissement économique mondial, un risque géopolitique majeur suite à la guerre en Ukraine et aux tensions entre la Chine et les Etats-Unis, et surtout le relèvement brutal des taux de la FED face à l'inflation mondiale.

Ces trois points ont entraîné "un réflexe sécuritaire : les investisseurs abandonnent leurs positions en Europe, dans les pays émergents et ailleurs, ils cherchent refuge dans les actifs libellés en dollars américains et, évidemment, ils ont besoin de dollars pour les acheter", selon Marcello Estevào, expert monétaire de la Banque Mondiale.

Il a notamment apporté cette réflexion : "L'invasion de l'Ukraine a déclenché une appréciation initiale du dollar par rapport aux devises des pays émergents plus importante que celles observées lors du mouvement de panique de 2013 et des précédents événements liés à des conflits impliquant des exportateurs de pétrole. Le marché s'attend encore à des hausses rapides des taux de la Fed, ce qui, dans des situations comparables, a entraîné des crises sur les marchés émergents. Ce fut le cas dans les années 1980 en Amérique latine avec la « décennie perdue », et dans les années 1990 avec la crise «Tequila» au Mexique, qui s'est ensuite étendue à la Russie et à l'Asie de l'Est".


Aussi, une tension inédite se fait de plus en plus pressante sur les dettes souveraines, une tension déjà palpable depuis quelques temps. Le schéma, appelé "le péché originel" par les experts de la dette publique, s'installe durablement dans les pays pauvres qui préfèrent emprunter et rembourser en dollar. En face, les prêteurs ne veulent plus être remboursés en devises instables, y compris l'euro.

Des pays d'Asie et le Brésil s'en sortent protégés par la fluctuation et renforcés par cette situation car ils disposent d'importants avoirs de leurs banques centrales. De plus, ces pays exportent massivement des produits manufacturés et des matières premières en dollar. 

Ainsi, l'on constate une fuite massive des investisseurs des pays émergents et de l'Europe pour s'intaller durablement dans des pays opérant en dollar. 

Marcello Estevào prévoit ainsi des difficultés majeures à court et à long terme, en concluant ainsi :"À court terme, un dollar fort peut également peser sur le commerce, car le billet vert domine les échanges internationaux. Les entreprises opérant dans des économies hors de la zone du dollar l'utilisent pour chiffrer et régler les transactions. D'ailleurs, les principales matières premières comme le pétrole sont achetées et vendues en dollars". 

"En outre, de nombreuses économies en développement sont des «preneurs de prix» : elles ne sont pas en mesure de négocier et leurs politiques et leurs actions n'ont aucun impact sur les marchés mondiaux. Elles sont aussi largement tributaires du commerce mondial et un dollar fort peut avoir des répercussions majeures sur leur économie nationale, notamment une flambée de l'inflation". 

"Quand le dollar s'apprécie, les importations deviennent plus chères (dans la monnaie nationale), ce qui oblige les entreprises à réduire leurs investissements ou à dépenser davantage pour des importations indispensables".  

"Et si le panorama commercial à long terme est plus favorable pour certains, dans l'ensemble il est contrasté. En effet, les importations sont plus chères dans un contexte de dollar fort, mais les exportations sont relativement moins onéreuses pour les acheteurs étrangers. Les économies exportatrices pourraient en profiter, car l'augmentation des exportations stimule la croissance du PIB et les réserves de change, ce qui contribue à atténuer bon nombre des problèmes décrits ici". 

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