Souveraineté financière : l'Afrique parle de "tournant décisif"

Alors que les flux mondiaux de capitaux évoluent et que l’aide au développement tend à s’amenuiser, l’Afrique se trouve à un tournant décisif.


Alors que les flux mondiaux de capitaux évoluent et que l’aide au développement tend à s’amenuiser, l’Afrique se trouve à un tournant décisif. Selon les experts, il est impératif d'accélérer la cadence pour mobiliser davantage les ressources domestiques.


Depuis les Assemblées annuelles 2025 du Groupe de la Banque africaine de développement, tenues au moi de mais dernier, des dirigeants de haut niveau, des décideurs politiques et des experts financiers continuent de discuter pour définir une nouvelle trajectoire pour l’avenir financier du continent, une trajectoire que devrait être "fondée sur les ressources et l’ingéniosité africaines".


Pour rappel, une réunion axée sur la souveraineté financière a aussi été organisée dernièrement par le département de la Mobilisation des ressources et des Partenariats du Groupe de la Banque, en collaboration avec avec l’initiative Making Finance Work for Africa. Constat a été fait à cette occasion qu'avec une baisse de 10 % de l’aide au développement et un recul de 12 % des investissements directs étrangers, tombés à 40 milliards de dollars, l’urgence de mobiliser les ressources domestiques devient pressante. Le continent fait face en effet à un déficit annuel de financement des infrastructures compris entre 68 et 108 milliards de dollars, tout en n’attirant que 2 % des investissements mondiaux dans ce secteur.


« La vraie question n’est pas de savoir si le capital existe — il existe. La question est de savoir comment le mobiliser à grande échelle vers des investissements productifs et à fort impact », 

a expliqué le vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement chargé du Secteur privé, de l’Infrastructure et de l’Industrialisation, Solomon Quaynor


« L’Afrique n’est pas pauvre. Nos investisseurs institutionnels — caisses de retraite, fonds souverains, compagnies d’assurances, et même banques centrales — gèrent collectivement plus de 2 100 milliards de dollars d’actifs, a aussi indiqué M. Quaynor. Si seulement 5 % de ces fonds étaient dirigés vers les infrastructures et le secteur privé, cela permettrait de libérer plus de 100 milliards de dollars de capitaux à long terme pour le continent ».


Il s'agit aussi pour les experts et les différents décideurs de mettre en lumière des modèles innovants dirigés par des Africains pour mobiliser le capital institutionnel. Par exemple, InfraCredit Nigeria, une institution pionnière de rehaussement de crédit, a permis de sécuriser plus de 300 millions de dollars de financements à long terme en monnaie locale pour des projets d’infrastructure. 


« Le risque réel lié aux actifs d’infrastructure est bien souvent surestimé. Nous n’avons enregistré aucune perte sur un portefeuille de plus de 20 projets dans 12 secteurs en huit ans », 

a commenté Chinua Azubike, directeur général d’InfraCredit.


Tafara Ethiopis, vice-président de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale pour le secteur privé) pour l’Afrique, a insisté pour sa part sur la nécessité de renforcer la bancabilité des projets grâce à des mécanismes de partage des risques plus efficaces. 


« Il est essentiel de calibrer correctement la répartition des risques et des bénéfices entre les secteurs public et privé pour que les projets soient bancables », 

a-t-il souligné.


Proposer des solutions concrètes

A noter en outre que les différents échanges ont été des occasions pour identifier les principaux freins à la mobilisation du capital institutionnel et proposé des solutions concrètes. De son côté, Boitumelo Mosako, directrice générale de la Banque de développement d’Afrique australe (DBSA), a souligné le rôle central de la bonne gouvernance et de la préparation rigoureuse des projets. 


« Il faut investir dans les mécanismes de préparation des projets pour les structurer, les dé-risquer et les rendre attractifs pour les investisseurs institutionnels », 

a-t-elle insisté.


Le directeur général de la Commission des valeurs mobilières du Nigéria (Securities and Exchange Commission, SEC), Timi Agama, a noté l’importance des réformes réglementaires, de la protection des investisseurs et de l’éducation financière : 


« Pour libérer les capitaux domestiques, il faut instaurer la confiance. Cela passe par des mécanismes de supervision, mais aussi par une éducation financière approfondie. » 


Quant à Denis Charles Kouassi, directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale de Côte d’Ivoire, il a mis en avant l’alignement stratégique des fonds de pension avec les priorités de développement nationales : 


« Tous les produits que nous générons sont réinvestis directement dans l’économie nationale afin de financer nos services et stimuler la croissance. »


Enfin, force est de remarquer que les initiatives se multiplient pour parvenir à une plus grande intégration régionale et à davantage de collaboration intra-africaine . 


« Oui, nous avons besoin de gouvernance et de redevabilité. Mais en tant qu’Africains, nous devons aussi apprendre à nous faire mutuellement confiance », 

soutient le Département de la mobilisation des ressources et des partenariats du Groupe de la Banque africaine de développement qui affirme mener plusieurs actions visant à mobiliser le capital institutionnel africain, notamment à travers des instruments tels que le Fonds fiduciaire pour le développement des marchés de capitaux et des partenariats stratégiques avec les parties prenantes régionales et mondiales.


« Le moment exige une vision. Il exige aussi de l’innovation. Et surtout, il exige de l’action »

a aussi soutenu Solomon Quaynor

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