Tech : Meta tourne la page du métavers

La maison-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, tourne une page majeure de son histoire. Après avoir englouti plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le développement du métavers – un pari qui s’est soldé par un échec retentissant –, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg engage désormais un virage stratégique radical : tout miser sur l’intelligence artificielle.


La maison-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, tourne une page majeure de son histoire. Après avoir englouti plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le développement du métavers – un pari qui s’est soldé par un échec retentissant –, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg engage désormais un virage stratégique radical : tout miser sur l’intelligence artificielle.


Meta entend ainsi combler son retard face aux pionniers du secteur, à commencer par OpenAI, tout en ouvrant une « nouvelle ère d’émancipation personnelle », selon les termes mêmes de son fondateur. Lorsque Mark Zuckerberg annonçait en 2021 la transformation de Facebook en Meta, le projet avait des allures de révolution. Le métavers devait incarner l’avenir d’Internet : un espace immersif, interactif et ouvert, bouleversant à la fois les usages sociaux et économiques. Horizon Worlds, son univers virtuel phare, devait en être la vitrine. Mais la réalité a été toute autre.


Malgré des investissements colossaux – estimés à plus de 36 milliards de dollars depuis 2020 dans la division Reality Labs – la plateforme n’a jamais su convaincre. Les utilisateurs sont restés marginaux, les expériences proposées jugées limitées, et le marché du casque VR, pilier d’accès au métavers, n’a pas décollé comme prévu. Les investisseurs, eux, ont sanctionné ce pari : la capitalisation boursière de Meta a lourdement chuté en 2022, effaçant plusieurs centaines de milliards de dollars de valorisation. Cet échec n’a pas seulement fragilisé les ambitions technologiques du groupe. Il a également soulevé des interrogations sur la capacité de Mark Zuckerberg à anticiper les tendances profondes du numérique. Le métavers, perçu comme un projet visionnaire, s’est transformé en symbole d’un entêtement coûteux.


Cap sur l’intelligence artificielle


Ce constat d’échec a conduit Meta à revoir en profondeur sa feuille de route. Désormais, le groupe fait de l’intelligence artificielle – et plus précisément de l’IA générative – son nouveau cheval de bataille. Ce virage s’accompagne d’un plan d’investissement massif : plusieurs milliards de dollars seront mobilisés pour développer des modèles capables de rivaliser avec ceux d’OpenAI (créateur de ChatGPT), Google (Bard/Gemini) ou Anthropic (Claude). Meta a déjà commencé à déployer des fonctionnalités d’IA dans ses services existants. Sur Instagram et Facebook, des outils génératifs pour la création de contenus visuels et textuels sont en cours de test. WhatsApp et Messenger, de leur côté, expérimentent des assistants conversationnels intégrés, visant à concurrencer les chatbots généralistes déjà proposés par d’autres acteurs.


Mais l’ambition de Zuckerberg ne s’arrête pas aux simples applications. Le dirigeant veut faire de Meta un acteur central dans le développement de modèles d’IA ouverts et accessibles, à contre-courant des solutions propriétaires dominantes. Cette stratégie pourrait séduire à la fois les développeurs et les entreprises, en quête d’alternatives aux écosystèmes fermés de Microsoft ou Google. Pour justifier ce virage, il invoque une dimension presque idéologique. L’objectif déclaré est d’« ouvrir une nouvelle ère d’émancipation personnelle », grâce à des technologies capables de renforcer les capacités créatives et décisionnelles des individus. Derrière cette formule, Meta veut se positionner comme un catalyseur d’innovation, offrant à chacun les moyens de produire, interagir et entreprendre autrement grâce à l’intelligence artificielle.


Cet argumentaire, qui tranche avec le discours purement technologique ayant entouré le lancement du métavers, vise également à regagner la confiance des marchés et des utilisateurs. Car si l’IA est déjà perçue comme la prochaine grande révolution numérique, elle suscite également des inquiétudes : sur l’emploi, la protection des données, ou encore l’éthique des algorithmes. Meta devra convaincre qu’elle peut conjuguer innovation et responsabilité, un défi d’autant plus complexe que le groupe traîne encore la réputation controversée héritée de ses précédents scandales liés aux données personnelles.


En misant tout sur l’IA, Meta espère se replacer dans la course face aux géants qui façonnent déjà le secteur. Toutefois, la concurrence est rude et les marges de manœuvre, limitées. OpenAI, soutenu par Microsoft, a pris une avance considérable dans la diffusion d’outils grand public et professionnels. Google et Amazon multiplient également les initiatives, tandis qu’Apple prépare en coulisses ses propres solutions. Pour Meta, le succès dépendra de sa capacité à transformer rapidement ses recherches en produits concrets, capables de séduire aussi bien les particuliers que les entreprises. Pour son fondateur, il s’agit sans doute d’une seconde chance de démontrer sa capacité à anticiper l’avenir. Reste à savoir si cette nouvelle ère qu’il appelle de ses vœux sera celle de l’émancipation… ou un nouveau terrain d’expérimentation risqué pour un géant en quête de réinvention.

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