Journal de l'Economie / Insight Desk
Tout semblait aller si bien pour ce nouveau président bien instruit, contrairement à ses deux prédécesseurs qui se sont faits par la force de leur volonté. L'expert comptable, habile en finance, avait acquis la bénédiction du peuple à travers une élection libre de 2013, la première depuis 2007. Mais les observateurs internationaux et nationaux sont de plus en plus inquiets et prédisent le pire pour le pays.
Depuis son élection, le président de la République Hery Rajaonarimampianina a ramené le pays au calme et au travail. Il a posé de nouveaux marqueurs économiques pour la croissance, et martelé sa volonté de travailler avec chacun, même ses adversaires politiques. Le problème se pose justement là, car il en a multiplié le nombre, jusqu'à en arriver à une taille critique. Tout récemment, les politiques locaux n'ont plus caché leur crainte d'une nouvelle forme "d'autisme présidentiel", comparable à celui du président déchu Marc Ravalomanana s'approchant de sa fin de règne en 2008. Ce dernier, ayant sous estimé les revendications du peuple, en a fait les frais en 2009 dont on connait la suite avec sa fuite en Afrique du Sud. Mais maintenant qu'il est rentré au pays, grâce notamment à l'accord tacite de Hery Rajaonarimampianina qui le laisse en résidence surveillée avec large possibilité de recevoir qui il veut, chacun se pose la question sur la forte possibilité d'entente entre les deux hommes. Cette entente aurait gonflé le nombre d'adversaire de "Hery", dont le plus puissant reste l'ancien président de la Transition Andry Rajoelina.
Dans son analyse lors du débat organisé par la revue Afrique Contemporaine qu'il a eu avec l'ancien ambassadeur de France, Jean-Marc Chataigner, l'historien Jean Fremigacci a d'emblée fait référence à ce même parallèle entre la situation actuelle de Hery Rajaonarimampianina et celle de Ravalomanana en 2008 avant sa chute. Ses propos sont sans ambiguïté : "Une ploutocratie est aux commandes du pays, et si cela continue, je vois bien une junte militaire décider de reprendre les choses en main". La Grande Île passe en effet par une période où ses richesses disparaissent à l'étranger à une vitesse phénoménale : bois précieux, or, pierres précieuses, faune protégée, ... Le gouvernement de la Transition entre 2009 et 2013 a déjà été condamné par l'opinion pour les trafics en tout genre perpétrés par des personnes proches du pouvoir d'alors. Mais en période normale où il y a un président élu et un gouvernement constitué sous les règles démocratiques, les choses n'ont pas changé. Beaucoup se posent des questions sur l'agissement du sommet de l'Etat, surtout du président actuel, qui était ministre des Finances à l'époque de la Transition. Son plus proche conseiller est président du Conseil d'administration d'Air Madagascar. Ceci rappelle les périodes troubles où "Hery" occupait à la fois ce poste tout en étant ministre des Finances et son cabinet d'audit comptable validait les éléments comptables... d'Air Madagascar et de plusieurs grandes sociétés dont des banques locales. L'homme semblait s'accommoder de cette pratique incestueuse sans se gêner devant l'opinion. Mais le danger, cette fois-ci est réel. Le peuple qui l'a élu se sent trahi, alors que l'homme qui n'a jamais occupé le poste d'un élu, ne reconnait pas ce type de menace. D'autant que la position de Jean Fremigacci n'a pas caché un élément capital dans son analyse : l'homme fort de la Transition est le seul à avoir cette capacité de réunir la force du peuple et celle de l'armée. Il se trouve justement que "Andry" est pleinement dans l'opposition à Madagascar, attendant son heure. Rendez-vous aux élections communales que chacun voit comme le terrain de jeu illustrant la situation et précédant un blitzkrieg, que le jeune "Andry" a toujours maîtrisé.
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