Journal de l'Economie | Tsirisoa Rakotondravoavy | AFD
ANTANANARIVO- 01/06/2017 - Le secteur de l'agriculture, fortement dépendant des infrastructures rurales, peine à trouver le chemin de la croissance. Ce secteur n'occupe que 26% du PIB national alors qu'il représente l'activité de 83% de la population à Madagascar. Le pays peine à appuyer l'installation d'infrastructure pour le secteur agricole (électricité, eau, sécurité) et arrive difficilement à faire face au risque climatique grandissant (cyclones, inondations, sécheresse). Il est à savoir que seulement 2,5% des terres agricoles sont irriguées. Madagascar produit annuellement 3,8 millions de tonnes de riz, son principal produit de consommation, et il en importe 260.000 tonnes en 2015. En attendant les résultats à long terme mis en place par l'Etat, à travers le plan national de développement (PND), le secteur financier, privé et institutionnel, a pris le relai, à l'instar du microcrédit qui connait depuis 30 ans un succès sur tout le territoire de la Grande Île.
Plusieurs institutions de microcrédit ont proposé des alternatives innovantes pour financer le secteur agricole sur la Grande Île. La Caisse d'épargne et crédit agricole mutuels de Madagascar (Cecam) en fait partie et tient un rôle de figure de proue. Elle couvre une grande partie du territoire malgache tout en appuyant d'autres institutions et ONG œuvrant pour le développement du secteur agricole. Catholic Relief Service (CRS) à Tuléar, l'AFD (Agence française de développement) et le PNUD (Nations Unies) pour toutes les collectivités, à l'exemple du grenier de Mahitsy, zone agricole importante du nord-ouest d'Antananarivo, qui a été inauguré fin mai,... La liste est longue mais la tâche est encore lourde pour la Cecam au vu de la situation nationale.
Serge Rajaonarison, directeur général de la Cecam, a livré auprès de l'AFD son analyse sur le secteur agricole et une perspective sur les innovations à adopter pour son financement. "Les infrastructures agricoles et rurales se font rares. Quand elles existent, elles s’avèrent globalement peu fonctionnelles ou pas assez entretenues. En dehors des routes nationales, par exemple, le réseau de pistes secondaires reste très accidenté et n’est pas toujours accessible en période de pluie. Des équipements d’irrigation font défaut, ou sont pénalisés par l’ensablement des rivières et le mauvais fonctionnement des barrages. L’accès à l’électricité, au téléphone et aux nouvelles technologies reste limité", a-t-il constaté. Madagascar n'est pourtant pas dans une situation d'inadéquation mais "d'adaptation de l'offre et de la demande à propos de crédit et de microcrédit agricoles", poursuit-il.
La Cecam appuie des micro-projets financés à une moyenne de 300 euros par agriculteur, mais le crédit peut s'élever jusqu'à 25.000 euros pour les agriculteurs professionnels qui exploitent des projets présentant une maturité élevée. Le réseau d'activité de la Cecam est déployé sur 233 points de vente dans 20 régions de Madagascar. 1.100 collaborateurs y sont présents au plus près des agriculteurs. Ces derniers sont au nombres de 208.000 à être financés par cette institution de microfinance. La Cecam s'adjuge une part de marché prépondérante à 60% à Madagascar, selon les chiffres du ministère de l'Agriculture. Serge Rajaonarison précise que pour les crédits et microcrédits agricoles, "la Cecam obtient des taux de remboursement conformes aux normes internationales, qui nous permettent de réinvestir notre excédent d’exploitation dans nos activités, en étendant nos zones d’intervention et en proposant des produits innovants. Cela étant, nos propres besoins d’investissement restent importants : nous devons par exemple électrifier, par le biais de kits solaires, nos points de vente, et acquérir des solutions technologiques pour rendre un service de proximité efficace".
C'est sur ce segment dynamique bien ciblé que Serge Rajaonarison propose les solutions financières innovantes sur trois points.
"La première porte sur la microfinance digitale, qui permet d’avoir un impact fort en termes d’inclusion financière. La microfinance opère selon deux logiques. La première, sociale, vise à servir les exclus du système bancaire classique. La seconde, économique, doit faire en sorte que l’institution de microfinance reste viable. La microfinance digitale pourrait nous permettre de maximiser la taille de notre clientèle cible, et donc d’améliorer l’inclusion financière. Bien sûr, cela suppose de déployer d’importants moyens avec les bailleurs de fonds, pour que les perspectives offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication soient totalement opérationnelles. L’objectif serait d’investir dans les solutions de banque à distance, sur lesquelles nous avons initié une première expérience en 2011.
Deuxième innovation intéressante : la micro-assurance agricole, selon des systèmes qui reposent sur l’indice météorologique. Si l’on détermine de manière exacte les localités et les exploitants touchés par la grêle, par exemple, on pourra ensuite indemniser conformément aux pertes occasionnées. À mon sens, c’est un volet essentiel de l’innovation à mettre en œuvre à Madagascar. Le fait que les femmes démunies aient continué à rembourser leurs dettes après le passage du cyclone en 2013 nous montre que la micro-assurance agricole peut fonctionner. Il s’agit de sortir les petits exploitants du cercle vicieux de la pauvreté, en les assurant de la pérennité de leur outil de production.
Enfin, financer la chaîne de valeur agricole reste l’une de nos priorités. Nous essayons de trouver le bon mécanisme pour améliorer l’existant, avec des partenariats public-privé. Dans le cadre de nos partenariats internationaux, nous avons signé le 21 novembre 2016 un mémorandum avec le Groupe Crédit agricole du Maroc (GCAM), en présence du président de Madagascar et du roi du Maroc, en vue de partager nos expertises et mettre nos actions en synergie, pour maximiser l’inclusion financière et permettre à toute une frange de la population laissée à l’écart de toute dynamique économique de recouvrer sa dignité", a-t-il conclu.
Deuxième innovation intéressante : la micro-assurance agricole, selon des systèmes qui reposent sur l’indice météorologique. Si l’on détermine de manière exacte les localités et les exploitants touchés par la grêle, par exemple, on pourra ensuite indemniser conformément aux pertes occasionnées. À mon sens, c’est un volet essentiel de l’innovation à mettre en œuvre à Madagascar. Le fait que les femmes démunies aient continué à rembourser leurs dettes après le passage du cyclone en 2013 nous montre que la micro-assurance agricole peut fonctionner. Il s’agit de sortir les petits exploitants du cercle vicieux de la pauvreté, en les assurant de la pérennité de leur outil de production.
Enfin, financer la chaîne de valeur agricole reste l’une de nos priorités. Nous essayons de trouver le bon mécanisme pour améliorer l’existant, avec des partenariats public-privé. Dans le cadre de nos partenariats internationaux, nous avons signé le 21 novembre 2016 un mémorandum avec le Groupe Crédit agricole du Maroc (GCAM), en présence du président de Madagascar et du roi du Maroc, en vue de partager nos expertises et mettre nos actions en synergie, pour maximiser l’inclusion financière et permettre à toute une frange de la population laissée à l’écart de toute dynamique économique de recouvrer sa dignité", a-t-il conclu.
Le Maroc est un modèle à suivre pour Madagascar, de l'avis de Serge Rajaonarison, à travers les projets agricoles financés par le royaume chérifien exploitant des innovations technologiques comme irrigation au goutte-à-goutte permettant une économie d'eau ou l'installation de centrales solaires, endiguant l'absence de réseau électrique dans les zones reculées. Le GCAM a par ailleurs restructuré sa stratégie en se tournant vers la microfinance, notamment agricole, lui permettant de retrouver une santé financière stable.
0 Commentaires