Par Tsirisoa Rakotondravoavy | Carolyne Jasinski | Journal de l'Economie | Fortune
SYDNEY - 11/08/2017 - Les 1.900 passagers du paquebot Sea Princess ont vécu 10 jours de restrictions sur le trajet de la croisière reliant Sydney à Dubaï. L'équipage dirigé par le capitaine Gennaro Arma a transformé le paquebot en vaisseau fantôme, sans lumière et presque sans activités, lors de la traversée de l'Océan Indien. Le radar du bateau a signalé la présence de plusieurs flottes non-identifiées à proximité du Sea Princess. Cet événement survient un mois après une réunion internationale contre la piraterie maritime sur l'île Maurice. Présente à bord parmi les passagers, la journaliste australienne Carolyne Jasinski a partagé son récit de cette folle traversée.
L'île Maurice a abrité en juillet dernier la 20è cession plénière de 20 pays concernés par la piraterie maritime organisée par le Groupe de contact sur la piraterie au large des côtes de la Somalie (CGPCS). Si un plan d'action pour la lutte contre la piraterie sur l'Océan Indien y a été établi, les menaces des pirates restent réelles après une relative accalmie en 2015 sur la zone de la corne de l'Afrique. Les passagers du paquebot Sea Princess en ont été témoins pendant 10 jours sur les 104 jours qu'ils devaient passer paisiblement à bord.
Récit de Carolyne Jasinski
"Lorsque les 1.900 passagers avaient embarqué à Sydney sur le Sea Princess pour une banale croisière, ils n'avaient aucune idée de ce qui allait se passer pendant 10 des 104 jours passés en mer : interdiction d'aller sur le pont du crépuscule jusqu'à l'aube, pas d'activités sur la plate-forme extérieure, pas de projection de films en plein air, pas de bar ni de piscine en fin de soirée, pas de lumières, pas d'ambiance de fêtes, pas de brise tropicale sur leurs balcons...
Tout autour du navire, alors que le soleil brillait, tous les rideaux étaient tirés et tous les volets étaient fermés. Les lumières, qui signalent normalement la présence du Sea Princess en mer, avaient été réduites ou éteintes. Le paquebot était devenu un vaisseau fantôme. La rumeur s'était propagée rapidement comme un virus chez les passagers. On plaisantait : "Attendons-nous une invasion de vampires ? Peut-être qu'ils filment le prochain épisode de From Dusk Till Dawn ?"
Ensuite, l'ambiance s'était tendue et les rumeurs terroristes ont pris le dessus. "Ont-ils découvert un complot pour faire sauter le navire ?" La réponse n'était pas si sinistre que ça, mais elle était sérieuse. Le capitaine Gennaro Arma s'adressait au navire tout entier. Il s'était excusé pour l'inquiétude auprès des passagers. "Cependant, la menace était réelle et le navire devait être prêt pour une attaque de pirates", a-t-il précisé.
Nous étions sur la première étape d'une longue croisière entre Sydney et Dubaï. Nous avions fait escale à Melbourne et Fremantle avant de rallier Colombo, la capitale du Sri Lanka, puis Dubaï. Mais pendant 10 jours, nous avions traversé une zone où le risque de piraterie était le plus élevé : l'Océan Indien, la mer d'Arabie, le golfe d'Aden et le canal de Suez.
Maintenant, je savais pourquoi ils avaient diffusé un documentaire sur la piraterie en haute mer sur nos télévisions dans les cabines. L'équipage nous préparait sur ce qui pourrait survenir, nous rappelant calmement que la piraterie maritime était encore un problème réel. En fait, c'est un problème croissant, même si elle n'a pas frappé depuis un certain temps. Soudainement, tous les programmes à bord étaient annulés et nous n'entendions plus ou ne lisions plus que ce texte :
• La pire région connue pour la piraterie est au large de la Somalie, ce qu'on appelle un État défectueux, l'un des pays les plus pauvres et les plus violents au monde sans gouvernement ni infrastructure.
• Les pirates opèrent à partir de petites vedettes. Ils sont équipés d'armes à feu et d'échelles à bord des navires. Leurs bateaux sont petits mais rapides et se cachent derrière les grands navires.
• S'ils sont capturé, le fret et l'équipage sont ramenés dans les eaux de la Somalie et sont souvent tenus en otages contre une rançon. La torture de l'équipage est commune.
• Généralement, les navires sont gardés pendant 4 à 6 mois, mais un navire a été conservé pendant 12 mois, un cas extrême.
C'était alors vraiment sérieux, mais l'interdiction de divertissements nocturnes et en plein air ne semblait pas poser de problèmes. Le capitaine Arma annonçait que "du crépuscule à l'aube, dans le cadre des préparatifs, nous aurions un déguisement obligatoire. Non, nous ne nous sommes pas ainsi habillés pour une autre nuit de thème en croisière. C'était du réel".
Tout autour du navire, alors que le soleil brillait, tous les rideaux étaient tirés et tous les volets étaient fermés. Les lumières, qui signalent normalement la présence du Sea Princess en mer, avaient été réduites ou éteintes. Le paquebot était devenu un vaisseau fantôme. La rumeur s'était propagée rapidement comme un virus chez les passagers. On plaisantait : "Attendons-nous une invasion de vampires ? Peut-être qu'ils filment le prochain épisode de From Dusk Till Dawn ?"
Ensuite, l'ambiance s'était tendue et les rumeurs terroristes ont pris le dessus. "Ont-ils découvert un complot pour faire sauter le navire ?" La réponse n'était pas si sinistre que ça, mais elle était sérieuse. Le capitaine Gennaro Arma s'adressait au navire tout entier. Il s'était excusé pour l'inquiétude auprès des passagers. "Cependant, la menace était réelle et le navire devait être prêt pour une attaque de pirates", a-t-il précisé.
Nous étions sur la première étape d'une longue croisière entre Sydney et Dubaï. Nous avions fait escale à Melbourne et Fremantle avant de rallier Colombo, la capitale du Sri Lanka, puis Dubaï. Mais pendant 10 jours, nous avions traversé une zone où le risque de piraterie était le plus élevé : l'Océan Indien, la mer d'Arabie, le golfe d'Aden et le canal de Suez.
Maintenant, je savais pourquoi ils avaient diffusé un documentaire sur la piraterie en haute mer sur nos télévisions dans les cabines. L'équipage nous préparait sur ce qui pourrait survenir, nous rappelant calmement que la piraterie maritime était encore un problème réel. En fait, c'est un problème croissant, même si elle n'a pas frappé depuis un certain temps. Soudainement, tous les programmes à bord étaient annulés et nous n'entendions plus ou ne lisions plus que ce texte :
• La pire région connue pour la piraterie est au large de la Somalie, ce qu'on appelle un État défectueux, l'un des pays les plus pauvres et les plus violents au monde sans gouvernement ni infrastructure.
• Les pirates opèrent à partir de petites vedettes. Ils sont équipés d'armes à feu et d'échelles à bord des navires. Leurs bateaux sont petits mais rapides et se cachent derrière les grands navires.
• S'ils sont capturé, le fret et l'équipage sont ramenés dans les eaux de la Somalie et sont souvent tenus en otages contre une rançon. La torture de l'équipage est commune.
• Généralement, les navires sont gardés pendant 4 à 6 mois, mais un navire a été conservé pendant 12 mois, un cas extrême.
C'était alors vraiment sérieux, mais l'interdiction de divertissements nocturnes et en plein air ne semblait pas poser de problèmes. Le capitaine Arma annonçait que "du crépuscule à l'aube, dans le cadre des préparatifs, nous aurions un déguisement obligatoire. Non, nous ne nous sommes pas ainsi habillés pour une autre nuit de thème en croisière. C'était du réel".
Nous devions savoir ce qu'il fallait faire en cas d'attaque de pirates. Nous devions être préparés à une action d'évasion. Les passagers plaisantaient nerveusement qu'ils savaient quoi faire, qu'ils avaient vu le film Captain Phillips.
Mais, en dépit d'une fin heureuse dans le film Captain Phillips, l'issue n'a pas été aussi heureuse pour tous à bord du navire. Le capitaine Gennaro Arma avait été très clair à bord du Sea Princess, que cette fois-ci, la menace des pirates n'était pas une plaisanterie. Tous les sourires avaient disparu après la distribution des déguisements de pirates et l'équipage était invité à se déplacer vers des postes de rassemblement préalablement désignés. Les passagers étaient renvoyés dans leurs cabines afin qu'ils puissent être comptés.
Il leur fallait rester retranchés suivant une liste par assistant de cabines. On leur avait conseillé de s'asseoir sur le sol et de s'accrocher sur les rails au cas où le paquebot devait manœuvrer loin des navires pirates. Dans le cas d'une menace réelle, on avait indiqué aux passagers des cabines extérieures de fermer et de verrouiller leurs portes de balcon, puis verrouiller les portes d'entrée de leurs cabines et de se réfugier dans les couloirs. Cela avait constitué deux portes verrouillées entre les passagers et les pirates.
En tant que journaliste conférencier invité à bord du Sea Princess, on m'avait donné le titre de surintendant. J'étais un pseudo-membre de l'équipage, et en cas d'abordage, j'étais là pour aider les passagers. C'était à la fois passionnant et terrifiant. Je devais aller à mon poste de rassemblement et être prête à l'action. Peut-être que les pirates avaient besoin d'un conférencier sur la façon d'écrire une histoire drôle sur eux. Je flippais car la menace et les mesures à prendre étaient réelles.
Le capitaine avait déclaré que le paquebot pouvait dépasser ou contourner les navires pirates, mais les officiers et les membres de l'équipage devaient surveiller 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, les tuyaux d'incendie qui étaient prêts sur deck (pont) numéro 7. C'est là que nous nous promenions au quotidien, et c'était l'endroit évident pour les pirates pour embarquer sur le paquebot. Si le vaporisateur à haute pression n'empêchait pas les intrus, la solution de détergent liquide devrait faire l'affaire. Si tout échouait, il y avait encore le sonic boom, on nous avait dit qu'on pouvait frapper les pirates sur leurs pieds s'ils se rapprochaient trop de nous. L'exercice avait globalement fonctionné avec seulement quelques ratés. Tout le monde avait tout exécuté correctement, mais le capitaine n'était pas satisfait car trois cabines avaient décidé de "ne pas participer" à l'exercice, il les interpelait par radio. La rumeur circulait également que quelques passagers ne voulaient pas abandonner leurs activités sur le pont.
Mais, en dépit d'une fin heureuse dans le film Captain Phillips, l'issue n'a pas été aussi heureuse pour tous à bord du navire. Le capitaine Gennaro Arma avait été très clair à bord du Sea Princess, que cette fois-ci, la menace des pirates n'était pas une plaisanterie. Tous les sourires avaient disparu après la distribution des déguisements de pirates et l'équipage était invité à se déplacer vers des postes de rassemblement préalablement désignés. Les passagers étaient renvoyés dans leurs cabines afin qu'ils puissent être comptés.
Il leur fallait rester retranchés suivant une liste par assistant de cabines. On leur avait conseillé de s'asseoir sur le sol et de s'accrocher sur les rails au cas où le paquebot devait manœuvrer loin des navires pirates. Dans le cas d'une menace réelle, on avait indiqué aux passagers des cabines extérieures de fermer et de verrouiller leurs portes de balcon, puis verrouiller les portes d'entrée de leurs cabines et de se réfugier dans les couloirs. Cela avait constitué deux portes verrouillées entre les passagers et les pirates.
En tant que journaliste conférencier invité à bord du Sea Princess, on m'avait donné le titre de surintendant. J'étais un pseudo-membre de l'équipage, et en cas d'abordage, j'étais là pour aider les passagers. C'était à la fois passionnant et terrifiant. Je devais aller à mon poste de rassemblement et être prête à l'action. Peut-être que les pirates avaient besoin d'un conférencier sur la façon d'écrire une histoire drôle sur eux. Je flippais car la menace et les mesures à prendre étaient réelles.
Le capitaine avait déclaré que le paquebot pouvait dépasser ou contourner les navires pirates, mais les officiers et les membres de l'équipage devaient surveiller 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, les tuyaux d'incendie qui étaient prêts sur deck (pont) numéro 7. C'est là que nous nous promenions au quotidien, et c'était l'endroit évident pour les pirates pour embarquer sur le paquebot. Si le vaporisateur à haute pression n'empêchait pas les intrus, la solution de détergent liquide devrait faire l'affaire. Si tout échouait, il y avait encore le sonic boom, on nous avait dit qu'on pouvait frapper les pirates sur leurs pieds s'ils se rapprochaient trop de nous. L'exercice avait globalement fonctionné avec seulement quelques ratés. Tout le monde avait tout exécuté correctement, mais le capitaine n'était pas satisfait car trois cabines avaient décidé de "ne pas participer" à l'exercice, il les interpelait par radio. La rumeur circulait également que quelques passagers ne voulaient pas abandonner leurs activités sur le pont.
L'absence d'information sur les médias internationaux vers la fin des 10 jours d'alerte avaient confirmé que les pirates étaient gardés à distance. La navigation du Sea Princess se poursuivait presque calmement. Mais l'humeur sur le navire s'était transformée.
Pendant le black-out de 10 jours, il y avait une sorte d'excitation bizarre. Une fois conscients et alertés de la menace des pirates, nous avions regardé tous les navires environnants plus attentivement. Un simple bateau de pêche n'avait plus été observé de manière normale. Chaque point intéressant à l'horizon devenait suspect comme s'il y avait quelque chose qui se cachait derrière. De nombreux appels avaient été lancés depuis le pont pour signaler des bateaux suspects. Il fallait demander aux passagers d'arrêter d'alerter et de faire confiance aux officiers. Étonnamment, il y avait très peu de plaintes au sujet des restrictions. Les passagers avaient joué le jeu, ils s'occupaient presque normalement pendant le jour comme si de rien n'était, n'importe où sur le paquebot. Sauf sur le deck numéro 7".
Pendant le black-out de 10 jours, il y avait une sorte d'excitation bizarre. Une fois conscients et alertés de la menace des pirates, nous avions regardé tous les navires environnants plus attentivement. Un simple bateau de pêche n'avait plus été observé de manière normale. Chaque point intéressant à l'horizon devenait suspect comme s'il y avait quelque chose qui se cachait derrière. De nombreux appels avaient été lancés depuis le pont pour signaler des bateaux suspects. Il fallait demander aux passagers d'arrêter d'alerter et de faire confiance aux officiers. Étonnamment, il y avait très peu de plaintes au sujet des restrictions. Les passagers avaient joué le jeu, ils s'occupaient presque normalement pendant le jour comme si de rien n'était, n'importe où sur le paquebot. Sauf sur le deck numéro 7".
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