Joséphine Baker : la femme des libertés entre au Panthéon


L'entrée de Joséphine Baker au Panthéon est une consécration d'une femme aux mille visages. Si cette femme, la première noire à avoir sa place parmi "les grands hommes", était connue comme actrice, chanteuse et danseuse de music hall, ses engagements étaient ignorés par ceux qui n'avaient pas suivi son histoire.

“Joséphine Baker, c’est l’histoire d’une volonté profondément marquée par la quête de liberté et de justice, ... l’incarnation des valeurs des Lumières de la République française”, a déclaré l'Elysée au moment où le président Emmanuel Macron a décidé que la plus célèbre des françaises d'origine américaine, va rentrer ce 30 décembre 2021 au Panthéon. 

Joséphine Baker (1906-1975) avait en effet souffert de par sa couleur de peau aux Etats-Unis. Elle avait incarné, à travers son sourire et ses combats, dans les années folles tout le paradoxe de l'Amérique, en ayant déclaré en 1925 : “Un jour, j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sont partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris".

Elle avait quitté Saint-Louis, dans le Missouri, pour aller chanter dans les grandes villes, notamment à New York. Mais peu connaissent son combat antiraciste qu'elle avait mené dès le début de sa carrière. Joséphine Baker quittait ainsi les Etats-Unis en 1925, non pas parce qu'elle avait perdu ses batailles, au contraire. Naturalisée française en 1937, elle continuait à chanter, notamment pour le Casino de Paris. La capitale française était devenue définitivement sa ville d'adoption, où elle se sentait plus libre de mener son combat. 

En 1939, dès début de la guerre, Joséphine Baker s'était engagée en tant que française, où elle chantait pour les soldats, jusqu'à atteindre la ligne Maginot. Enrôlée par la Croix Rouge, elle soignait les blessés tout en chantant pour eux, militaires et civiles. A cette époque, elle faisait le va-et-vient entre Paris, les soirées mondaines et les tranchées. A partir de 1943, elle s'était engagée dans l'Armée de l'Air 

Cette multiple exposition de Joséphine Baker attirait Jacques Abtey, patron du renseignement de Paris, qui l'avait recrutée afin qu'elle lui livre de précieuses informations qu'elle récoltait dans ses déplacements en Europe, en Afrique et au Moyen Orient, et lors de ses rencontres avec la haute société de l'époque. Naturellement, elle faisait partie des services secrets de la France Libre pendant l'occupation allemande. 

Tous ces services rendus à la France lui a valu la médaille de la Résistance française en 1946, la Légion d’honneur à titre militaire et la Croix de guerre avec palme en 1961. En 1963, elle faisait partie de la marche des droits civiques à Washington sous son uniforme française, et faisait la première de Martin Luther King : 

"Quand je suis retournée à New York, j'ai eu d'autres coups durs, quand on ne me laissait pas entrer dans les bons hôtels parce que j'étais de couleur, ou manger dans certains restaurants. Et puis je suis allée à Atlanta, et c'était une horreur pour moi. Et je me suis dit : 'Mon Dieu, je suis Joséphine, et s'ils me font ça à moi, qu'est-ce qu'ils font aux autres personnes en Amérique ?"

"Vous savez, mes amis, que je ne vous mens pas quand je vous dis que j'ai pénétré dans les palais des rois et des reines et dans les maisons des présidents. Et bien plus encore. Mais je n'ai pas pu entrer dans un hôtel en Amérique et obtenir une tasse de café, et cela m'a mise en colère. Mesdames et messieurs, mes amis, ma famille, on vient de me transmettre un petit message. C’est une invitation à rendre visite au président des Etats-Unis, chez lui, à la Maison Blanche. Je suis très honorée. Mais je dois vous dire que ce n’est pas la femme de couleur – la Noire, comme vous dites ici aux Etats-Unis – qui ira là-bas. C’est une femme. C’est Joséphine Baker".

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