"S'il est payé 2 $ de plus en Chine qu'en Europe, j'y envoie mon gaz", P. Pouyanné, Pdg de TotalEnergies


Patrick Pouyanné, Pdg du groupe TotalEnergies et acteur mondial dans le gaz et le pétrole, s'est exprimé sur la menace sur le gaz à Paris au forum de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) le 24 février 2022. Le même jour, à l'aube, l'armée de Russie a commencé son entrée en Ukraine, prenant par surprise le monde entier. L'enjeu économique est clair : la livraison du gaz russe à l'Europe pourrait être suspendue à tout moment par Gazprom, sur ordre du Kremlin. Relayé par La Tribune, Patrick Pouyanné a partagé son point de vue sur cette situation.

"Si le gaz russe ne vient pas en Europe, on a un vrai sujet de prix du gaz en Europe... Pour alimenter l'Europe en gaz, soit on a des tuyaux soit on a des terminaux de regazéification où on amène du gaz naturel liquéfié (GNL). Or ils sont tous pleins en ce moment, et on n'a pas assez de terminaux en Europe pour regazéifier le gaz liquéfié afin de remplacer les 40% de gaz russe. Il faut 2 à 3 ans pour construire un terminal. La France en a, l'Allemagne n'en a aucun. Et donc, quand on me dit "comment vous faites si les 40% de gaz russe disparaissent", alors là je peux vous dire que je ne sais pas faire. Je saurai faire dans 2 ou 3 ans si on construit des terminaux, car on a du gaz mais il faut pouvoir l'amener. On a là un problème d'infrastructure", a détaillé le Pdg de TotalEnergies devant l'assistance, et pour s'adresser indirectement à une Europe plus qu'inquiète face à une flambée du prix, déjà enclenchée avant le conflit en Ukraine.

40% de la livraison de gaz en Europe sont constitués de gaz russe, le taux dépasse les 56% en Allemagne avec plus de 50 milliards de mètres cubes en 2021. D'autres pays européens comme l'Italie, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, le Danemark, la Finlande et la Pologne sont également fournis par le géant russe Gazprom. Cette situation illustre la dépendance de l'Europe au gaz russe, qui est une réalité que le Kremlin met sur la table des négociations depuis des décennies.

Supprimer cette ligne de livraison, suivant la décision politique d'avoir arrêter le projet Nord Stream 2 après l'agression russe en Ukraine, revient à dire que l'Europe devrait se tourner au GNL, et le plus rapidement possible. Plus facile à dire qu'à faire...

GNL : plutôt livrer à la Chine qu'à l'Europe

La conjoncture mondiale en 2021 a entrainé la hausse du prix du gaz. La Chine à elle seule constitue la majorité de la demande mondiale de gaz. Mais ce pays a connu une météo difficile avec un manque de pluie pour remplir ces centrales hydrauliques. Il faut savoir que la majorité des chinois fait fonctionner la climatisation en été comme en hiver. Du coup, la demande extérieure de gaz a explosé en 2021.

Le GNL, européen et américain, dont TotalEnergies se revendique en premier opérateur, est livré en Chine. Parallèlement à cela, le groupe français a connu, comme ses pairs, la rareté de cargo maritime suite à la pandémie de 2020. Le prix du fret a explosé mais surtout la Chine paie mieux que d'autres clients sur la planète. Patrick Pouyanné confirme ces faits en bon businessman : "Moi je suis un être rationnel, j'envoie mon gaz où il est le mieux payé. Et s'il est payé 2 dollars de plus en Chine qu'en Europe, j'envoie mon gaz en Chine, et vice-versa. C'est comme ça que ça se passe".

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