Pierre Soulages, le maître de "l'outrenoir", est parti dans son paradis blanc

Pierre Soulages, peintre et graveur français, vit du noir. Pas le noir défini de manière négative et profane par ceux qui ne connaissent pas ses œuvres, mais le noir qui élève la lumière, devenant matière intégrée à ses toiles. Etant petit, sa mère constatait déjà avec désespoir son attirance pour le noir, comme s'il avait porté son deuil. 

Mais Pierre Soulages avait bien ancré son choix : "Le blanc, c'est couleur du deuil". Le maître avait 102 ans quand il s'est étaient aujourd'hui. Ayant épousé sa femme, Colette, tous deux étaient habillés de noir, comme au quotidien durant toute leur vie. 

Si ses 70 ans de carrière artistique sont marqués par la couleur noir, une sorte de refus aux couleurs, refus des autres, refus de la mort. Admis à l'école des Beaux-Arts de Paris avant la Seconde Guerre Mondiale, il refusait d'y intégrer en rétorquant qu'il n'y avait rien pour lui dans ce qu'il voyait là. Mais c'est à ce moment qu'il avait rencontré Colette Llaurens, sa future femme, sa lumière.

Ils s'étaient installés à Paris après la guerre, en 1946. Pierre Soulages s'était fait refuser en voulant exposer au Salon de l'Automne de la même année, à cause son œuvre très marquée vers l'abstrait. Il était parti exposer en Allemagne ses toiles noircies par des traits épais. Le monde avait commencé ainsi à le découvrir avec des expositions dans la galerie Betty Parsons à New York, au Guggenheim puis au MoMA à New York même en 1949. 

Mais c'était en 1979 qu'il avait appliqué la couleur noire intégralement sur une toile. Son pigment s'était renversé et avait couvert la totalité de la toile. Tout en étant désespéré, Pierre Soulages attendait la réaction de la toile, et découvrait la réflexion de la lumière sur le noir. Il avait découvert une "peinture autre", comme il disait, ce qui lui avait donné sa définition de son style depuis 1979 : l'outrenoir.

Pierre Soulages expliquait ainsi sa méthode avec les brous de noix qui donnait ce noir particulier sur ses toiles : "La totalité de ce pigment recouvre la toile, mais je ne travaille par avec ce pigment, aussi bizarre que cela puisse paraître. Ce qui m'intéresse, c'est la réflexion de la lumière sur les états de surface de cette couleur noire, états de surfaces qui varient". Il appliquait en effet des stries, des traces de différentes brosses, ... partout où le noir de Soulages pouvait raconter sa lumière.

Le musée du Louvre à Paris lui a consacré une exposition pour ses ans en 2019, rappelant Soulages, l'unique, habillé en noir, incarnant à lui seul ses 1.600 tableaux, tous marqués par le noir, sur 70 ans de vie artistique intense. En somme, l'outrenoir, c'est sa lumière.

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