Editorial de Tsirisoa Rakotondravoavy

Urgence

Il est selon moi urgent d'attirer notre attention sur cette époque que nous traversons, où un seul mot importe sans que personne ne s'en rende vraiment compte : Urgence.
Le siècle dernier nous a livré un outil formidable qu'est l'informatique, appelée aussi Nouvelle Technologie dans l'urgence de tuer " l'Ancienne " Technologie. En tout cas, chacun de nous pourrait porter ce germe " technocide ", connaissant notre désir permanent de nouveauté. Ceci est dû au phénomène de l'effet de mode qui dicte les lois du marché. Les marques spécialisées en électronique grand public estiment que la durée de vie d'un modèle est de moins de dix mois sur le marché. Les consommateurs sont avides de modèles plus performants et mieux conçus que les modèles précédents. Il est donc clair que du designer jusqu'à l'usine, en passant par le vendeur, toute la chaîne est à la solde des consommateurs. Ces derniers veulent tout dicter et tout fabricant sensé suit la logique du marché : le client est roi. Celui-ci est en relation permanente avec les fabricants par le biais de batteries de tests et autres sondages qui pullulent sur les sites internet spécialement conçus par les fabricants eux-mêmes dans le souci de capter les moindres désirs de leurs clients. Nous sommes ainsi entrés, peut-être sans le savoir, dans l'ère de la télésurveillance globale.

Il est devenu urgent, pour chacun, de participer à cette course folle à " l'omniprésence multimédia " plus ou moins assumée. Le pouvoir et la connaissance se sont déplacés et ont quitté définitivement les plateaux de CNN, de LCI, de RFI... La globalisation, à travers la téléphonie mobile et Internet, a pris le relai. Les caméras des reporters ont cédé la place aux livecams. Personne n'est vraiment sûr de pouvoir suivre en temps réel la portée des microprésentations sur Twitter, ni celle des pseudos vérités des millions de textes et d'images accouchés chaque jour sur Facebook... De fait, ceci a donné naissance au cyberespace-temps comme l'a défini le philosophe contemporain Paul Virilio. C'est une dimension dont le contrôle est très convoité. les frontières physiques séparant les nations et les distances entre les hommes y sont estompées, le temps y est une notion abstraite. La seule connexion au réseau y donne droit à une reconnaissance d'existence.

Il est devenu plus urgent de gagner du temps, de gagner en estime dans ce que nous sommes ou ce que nous prétendons être. Je constate avec effroi la naissance d'une nouvelle race mondiale de gens qui parlent un même langage, celui des mots et des vocabulaires qui ne sont pas les leurs, qui publient des photos qui ne sont pas les leurs, qui vivent des vies qui ne sont pas les leurs...
J'abhorre, quant à moi, cette forme de globalisation qui préfigure l'uniformisation sauvage dans laquelle nous serons identifiés et contrôlés à travers des séries de numéros qu'on appelle Adresse IP. N'avions-nous pas déjà manifesté dans les années de guerre froide notre refus catégorique de l'imposition du contrôle de Big Brother par satellites ?

Plutôt que de m'attarder sur ces cybervérités, je m'étais posé la question qui nous mettra peut-être sur une toute autre voie de réflexion : ne serait-il pas plus urgent de nous déconnecter ?

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