On a (finalement) tous peur d'Internet

Mark Zuckerberg a-t-il fait exprès de montrer la bande adhésive sur sa webcam aux 500 millions d'abonnés Instagram et aux 1,4 milliards d'abonnés Facebook ?
 Photo: D.R.



Journal de l'Economie | Tsirisoa Rakotondravoavy | Collective Evolution

PALO ALTO, 06/07/2016 (journaldeleconomie.com) -- Pour Tim Berners Lee, l'inventeur du world wide web, "il y a toujours eu des forces qui voulaient essayer de contrôler Internet. Lorsque vous êtes le gouvernement d'un pays, il vous est très tentant de vouloir gouverner Internet dans votre territoire. Le problème, c'est que cela ne fonctionne pas car Internet n'appartient pas à un pays. Vous pourriez certainement mettre des barrières, vous pourriez installer des interdictions. Mais si vous le faites, votre pays, votre peuple, vos entrepreneurs, vos intellectuels seront tout d'un coup isolés. Nous devons être réactifs lorsqu'un pays aura effectivement franchi cette limite. Ce qui a fait que certains citoyens sont déjà descendus dans les rues avec des pancartes, demandant plus de liberté pour leur vie privée". Ces propos alarmant tenus lors du Forum économique mondial (World Economic Forum) préfigure notre futur rapport avec Internet.

Dans le monde très connecté d'aujourd'hui, peut-on encore dire que notre vie privée est vraiment protégée ? Manifestement, plus personne n'y croit. Il y a ceux qui se fient fatalement à Internet en se rassurant que ce qu'ils ont publiés
depuis toujours, photos comme écrits, pourraient être utilisés accidentellement par une entité ou une autre, publique ou privée. Mais que cette utilisation n'atteindrait pas leur vie privée. Et puis il y a les autres, qui essaient de se battre, de supprimer du contenus dans les réseaux sociaux, notamment Facebook, dans l'espoir que Big Brother, ou un autre, écouteraient leur cri en rédigeant un texte commun qui réitère leur désir de garder leurs contenus privés et non-utilisés. Mais est-ce suffisant ?

La surveillance de masse, supposée ou avérée selon les pays, écrase la liberté d'expression et de la libre pensée. Dans ce sens, Internet est le plus grand outil créé par l'Homme pour la violation de la vie privée et de la confidentialité. Malgré les procès en cours, contre les firmes comme Google, Facebook ou Apple, ou contre des Etats et des institutions publiques, les internautes sont entrés dans une ère de méfiance où il pourrait leur attirer des ennuis de s'engager dans des critiques, justifiées ou non, contre les gouvernements ou contre les multinationales. Mais ces derniers semblent aussi piégés par Internet.

Récemment, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a posté une photo pour célébrer les 500 millions d'utilisateurs d'Instagram. Sur la photo, il tient une découpe d'un écran Instagram, assis devant son bureau. Mais les internautes ont remarqué quelque chose de beaucoup plus intéressant que Zuckerberg avait de toute façon eu l'intention de montrer : sa webcam qui était cachée par une bande adhésive. Est-ce une paranoïa, ou une forme indirecte d'admettre l'existence d'un contrôle gouvernemental ? Sait-il exactement ce qui se passe s'il libère sa webcam ?

Zuckerberg fait tout pour qu'il soit difficile pour les pirates de s'introduire dans sa vie privée. En 2014, Edward Snowden a averti les internautes que la NSA (National Security Agency) utilise un plug-in appelé Gumfish pour pirater leurs webcams. Et ils en utilisent un autre appelé Captivated Audience pour détourner leurs microphones. Cela leur permet d'enregistrer des conversations privées. Edward Snowden a lancé une alerte selon laquelle la NSA a volé des milliers de documents classifiés avant de quitter le pays. L'alerte a rendu beaucoup de gens conscients de l'existence d'un espionnage permanent sur Internet.

Des données privées entières sont classifiées, enregistrées et stockées à l'aide de multiples techniques. Snowden a aussi révélé l'existence d'une "organisation multinationale du renseignement" connue sous le nom de "Five Eyes" qui peut faire ce qu'elle veut, au-delà des lois de chaque pays. C'est un groupe international qui a créé une communauté virtuelle du renseignement dont personne ne savait rien de ses agissements avant cette révélation mais dont les internautes soupçonnaient l'existence.

Selon Edward Snowden, "l'alliance Five Eyes est en quelque sorte un artefact créé après la Seconde Guerre mondiale. Les puissants pays anglophones se sont regroupés afin de coopérer et partager les coûts de la collecte et de la structuration du renseignement. C'est le résultat de décennies de collaboration autour du renseignement, qui n'est régie par aucune loi ni convention. Ils ont partagé non seulement des informations, mais aussi des outils et une infrastructure commune, contre des cibles communes. Internet fait partie intégrante de cette infrastructure. Actuellement, on ne peut pas mettre quelqu'un sur écoute 24h sur 24 et 7 jours sur 7, tout est enregistré en permanence, grâce notamment aux réseaux sociaux. Tout est hiérarchisé par mots-clés afin d'obtenir une certaine réponse, plus ou moins pertinente par nom où par localisation".
 
C'est la raison pour laquelle Mark Zuckerberg est si prudent sur son ordinateur portable, il refuse tout simplement de laisser le gouvernement ou quelqu'un d'autre envahir sa vie privée. Mais est-ce le cas de chaque abonné de Facebook, ou d'un internaute lambda ?

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