Madagascar : la laïcité, du péril vers l'espoir

L'immixtion entre l'Etat et les religions est illustrée par cette photo de président, d'anciens présidents et de chefs d'églises lors de la réconciliation nationale à Madagascar

Journal de l'Economie | Tsirisoa Rakotondravoavy


ANTANANARIVO - 28/12/2016 - La laïcité est l'un des socles fondamentaux de la démocratie. La constitution de la IVè République de Madagascar dans son article premier est clair : "Le peuple malagasy constitue une Nation organisée en État souverain, unitaire, républicain et laïc". Son sens premier et son absence d'ambiguïté ont pourtant été hypothéqués par les événements successifs qui ont fait l'histoire politique contemporaine de Madagascar. La valeur constitutionnelle de la laïcité s'est ainsi altérée sans qu'aucun citoyen ni dirigeant d'institution n'y décèle le danger sur la solidité de la démocratie.

La principale menace est l’immixtion acceptée par tous, au nom d'un état d'urgence permanent, entre la religion et la politique. Sous la IIIè et la IVè république, Madagascar a connu des chefs d'Etat qui, l'un était membre de l'église protestante, l'autre sous la Transition avait organisé un culte chrétien dans le palais présidentiel. Ces deux cas témoignent d'actes anti-constitutionnels graves, qui mettent à mal la jeune démocratie malgache et qui ignorent l'appartenance religieuse réelle de la population et sa représentativité dans les courants politiques contemporains.

Ayant fait une impasse là-dessus, les dirigeants successifs et la communauté internationale ont accepté de fait la tutelle des chefs d'églises, des cultes  musulmans et d'autres courants religieux, dans la gestion hasardeuse des crises politiques répétitives et de l'échec avéré de la réconciliation nationale post-crises.

Si l'on observe de manière stricte la constitution malgache, l'article 2 est très clair en matière de laïcité :

"La laïcité de la République repose sur le principe de la séparation des affaires de l'État et des institutions religieuses et de leurs représentants.

L'Etat et les institutions religieuses s'interdisent toute immixtion dans leurs domaines respectifs.

Aucun chef d'institution ni membre de Gouvernement ne peut faire partie d'instances dirigeantes d'une Institution religieuse, sous peine d'être déchu par la Haute Cour constitutionnelle ou d'être démis d'office de son mandat ou de sa fonction".
 
Ce phénomène, puisque c'en est un, pourrait également s'expliquer par un déficit d'offres et de programmes de la part des politiques malgaches. Ces derniers sont restés cloîtrés dans un ghetto constitué par des murs d'appartenances politiques et d'idées reçues qui ont fini par les diaboliser aux yeux des citoyens. Cet état de fait pourrait finir par donner, de manière accidentelle encore une fois, à l'émergence d'idées politiques radicales, à l'image de ce qui se produit actuellement en Europe, aux Etats-Unis ou au Moyen-Orient.

Mais "là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve", comme l'a écrit le poète prussien Hölderlin, souvent repris par Hubert Reeves dans sa conférence "Croisière du savoir". La démocratie s'en remettra au peuple en 2018, sous une forme qui épousera la maturité des citoyens. Car ces derniers ont subi, ont survécu, et ont appris. Lentement, ils avancent vers une vision républicaine plus près de la réalité de chacun, un imaginaire pragmatique qui bousculera les lignes, qui parle aux exclus, qui évoquera le travail commun, et les causes communes, pour construire ensemble.
L'appartenance religieuse à Madagascar (Rapport AED 2012)

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