Programme Macron : une publication d'ordre tactique

Emmanuel Macron choisit un timing tactique pour dévoiler son programme : l'ouverture d'une information judiciaire sur l'affaire Fillon, la mise en examen de la directrice de cabinet de Marine Le Pen, et l'alliance scellée avec François Bayrou. 



Journal de l'Economie | Tsirisoa Rakotondravoavy | Les Echos

PARIS - 25/02/2017 - Emmanuel Macron a saisi la fenêtre de tir pour dévoiler son programme, celle qui s'était entrouverte cette semaine : au centre, offre d'alliance de François Bayrou qui est acceptée, à droite, ouverture d'une information judiciaire par le Parquet national financier (PNF) pour abus de biens sociaux, manquement à la transparence et trafic d'influences sur l'affaire Fillon, et à l'extrême droite, mise en examen de la directrice de cabinet de Marine Le Pen. C'est sur la une du quotidien Les Echos à travers une interview exclusive qu'Emmanuel Macron a mis la lumière sur son programme : croissance économique en France, investissement public, économies dans la dépense publique, la faiblesse de l'Europe, le taux de chômage, et le travail qui est le socle de sa campagne.


L'économie constitue la rubrique principale du programme de Macron. Le candidat s'est risqué de partager son avis et des jalons sur la croissance française à venir. Il prévoit 1,4% de croissance pour cette année et 1,8% en 2022, à la fin du quinquennat. Les détails de son programme seraient les socles de cette croissance. Macron table sur un déficit de 2,9% pour 2017, en de-ça des engagements de 3% de déficit pris vis-à-vis de l'Union européenne. Il engage ainsi une maîtrise future des dépenses budgétaires, et ce sans "cadeau ni rigueur supplémentaire".

Emmanuel Macron veut mettre en place une dépense publique plus efficace, avec une baisse de 3 points des dépenses dans la richesse nationale. Cette baisse ramènerait la France à une économie de 60 milliards d'euros. "Je vise d'abord 25 milliards d'économies sur la sphère sociale. Cela passe par 15 milliards sur l'assurance-maladie, avec une progression des dépenses contenue à 2,3% par an. C'est tout à fait tenable. Je ne supprimerai aucun poste dans la fonction publique hospitalière. La réorganisation du système de soins est de nature à faire ces économies et à conduire un vrai plan de modernisation de l'hôpital", a précisé Macron dans son entretien. Les réformes structurelles dans l'assurance-chômage pourront également faire réaliser 10 milliards d'euros d'économies, avec un taux de chômage de 7% à la fin du quinquennat, qu'il juge raisonnable. Le candidat d'En Marche détaillera son programme le 02 mars prochain dans son "Contrat avec la Nation, mais l'on sait déjà qu'il ne retouchera pas les prestations familiales et les retraites. 

Au niveau des collectivités, Emmanuel Macron prévoit faire d'autres économies de 10 milliards d'euros, non plus par des coupes sèches à travers une régulation budgétaire, mais avec un pacte signé avec elles sur cinq ans où chaque collectivité aura une marge de manœuvre réelle avec les économies à engager.

Les économies restantes de 25 milliards d'euros se reposeront sur un tout nouveau mode de gouvernance : recrutement de fonctionnaires cadres hors statut permettant une gestion de carrière plus souple, des rémunérations et une mobilité plus individualisées. A ce sujet Emmanuel Macron a pris des engagements assez complexes : "Il est possible de ne pas renouveler 120.000 postes de fonctionnaires, 70.000 venant des collectivités et 50.000 de l'Etat. Ce n'est pas un objectif, mais un référentiel, ce sera aux ministres de faire des choix. Je veux des ministres pleinement responsables sur les dépenses publiques. Je fixerai l'effort budgétaire en début de période, en définissant des priorités, et chaque ministre devra les décliner en rendant des comptes. Je veux aussi impliquer directement les parlementaires dans cet exercice. En contrepartie, je donnerai aux ministres une vraie latitude politique. Je ne les garderai pas s'ils ne mettent pas en œuvre les économies".

"C'est une mise sous tension de l'appareil d'Etat. Cette fois-ci, on n'a pas le droit d'échouer", a martelé Macron. Cette phrase rappelle l'ancienne fonction du candidat dans les banques où les habitudes de gouvernance sont mises à l'épreuve par les stress-tests.

En matière de fiscalité, Macron veut une "politique fiscale plus réaliste, plus juste et plus équilibrée, avec des baisses d'impôts réparties équitablement entre ménages et entreprises". Celle-ci s'inscrit sur un double objectif de soutenir le pouvoir d'achat et les investissements, en réalisant 20 milliards d'euros de baisse nette de prélèvements obligatoires. Le programme Macron confirme que les cotisations salariales maladie et d'assurance-chômage seront supprimées et seront financées par "une hausse de la CSG sauf pour les petites retraites, et qui rapportera 250 euros de plus par an à une personne au SMIC. Une hausse de 50% de la prime d'activité est aussi prévue. Et toute hausse de TVA est exclue". Une autre mesure de réduction d'impôts de 10 milliards d'euros sera effectuée avec des mesures que Macron annoncera dans un avenir proche. Ces mesures concernent les classes populaires et moyennes.

Un prélèvement forfaitaire unique, social inclus, d'un taux de 30% s'appliquera sur les revenus du capital comme les plus-values, les dividendes, les intérêts, les loyers, ... pour commencer à s'aligner à la moyenne en Europe. Pour les entreprises, le crédit d'impôt "compétitivité-emploi" sera transformé en 2018 en "allègement pérenne de cotisation, , et représentera 6 points de charges en moins au niveau du SMIC jusqu'à 2,5 SMIC". La suppression des charges patronales est prévue au niveau du SMIC, avec un allègement de 4 points, et un point de sortie à 1,6 SMIC. Le taux d'imposition pour les sociétés sera de 25%, au lieu de 33,3%, pour atteindre la moyenne européenne. C'est une mesure destinée à améliorer l'attractivité, avantagée par le Brexit, et à terme l'investissement.

La seule hausse d'impôt concernera la fiscalité écologique. Macron a confirmé "l'alignement progressif de la fiscalité du diesel sur l'essence et la montée en charge de la taxe carbone. Parallèlement, les propriétaires de véhicules diesel anciens bénéficieront d'une prime de conversion pour l'achat d'un véhicule plus écologique, neuf ou d'occasion".

Mais c'est le travail qui reste le thème central du programme d'Emmanuel Macron. c'est pour faire face au chômage qu'il préconise les baisses de charges, les investissements, les formations professionnelles et surtout la réforme du marché du travail. Macron prévoit des négociations et une décentralisation de la gestion du marché du travail. 

Emmanuel Macron a précisé que "c'est la loi qui définira l'ordre public social, les entreprises et les branches pouvant y déroger par accords. Il faut assumer davantage de flexibilité, je n'ai pas peur du mot, pour adapter notre droit du travail aux mutations en cours. Ensuite, une réforme de l'Unedic permettra d'aller vers une assurance-chômage universelle, de la même manière que l'assurance-maladie est devenue universelle. La gouvernance sera publique. Aujourd'hui, le système de la rupture conventionnelle est hypocrite. Il fonctionne aux frais, comme vous dites, de la collectivité, mais cela créé aussi du contentieux devant les prud'hommes quand il n'y a pas d'accord. Il faut clarifier les choses en permettant à chacun, tous les cinq ans, d'user de ce droit. Je veux aussi que ce droit soit ouvert aux artisans, aux commerçants et aux agriculteurs".

Le candidat d'En Marche propose ainsi un système interdépendant de droits et devoirs. Il veut en finir avec l'ancien système "Je cotise, j'ai droit à être indemnisé". Macron a présenté comme suit son projet pour l'emploi : "Mon nouveau système crée un filet de sécurité pour tout le monde, mais avec de vraies exigences. Quand vous perdez votre emploi, vous êtes indemnisé, un bilan de compétences est fait et les prestations seront strictement conditionnées à vos efforts de recherche, avec un contrôle drastique". Il préconise une formation vraiment qualifiante pour créer une sécurité professionnelle. Macron a résumé ce volet : "Le service public vous donnera accès à une nouvelle formation, et le demandeur d'emploi, une fois formé, devra accepter les offres qui lui sont proposées. Aujourd'hui, un million de chômeurs sont très loin de l'emploi. C'est pour eux qu'il faut remettre à plat tout le système de formation".



Pour l'Europe, Emmanuel Macron veut recréer la confiance entre Etats. Il veut mettre fin à des négociations basées sur le couple franco-allemand. "Cela ne rime à rien", a déclaré Macron qui met ainsi en avant plus de partage dans les responsabilités et plus de franchise dans les dialogues entre les Etats. Macron a précisé que "Ce n'est pas ce que propose François Fillon, lui qui annonce un gros choc fiscal au début et des économies pour plus tard, comme en 2007. Personne ne s'est d'ailleurs demandé comment il arrivait à faire à la fois 100 milliards d'économies et une croissance de 2,3% ce qui est impossible". 

L'Allemagne a en effet saturé son modèle, basé sur les excédents commerciaux qui ont financé les déficits. Elle va également passer par des élections à la fin de l'année. "Cela donne nous six mois pour faire la démonstration que nous sommes des partenaires de confiance, grâce à des réformes structurelles et à une trajectoire budgétaire vertueuse. Et pour engager des discussions sur l'avenir", a conclu Emmanuel Macron.

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