En 2025, le design britannique ne se résume plus à ses clichés de cottage fleuri ou de mobilier victorien revisité. Il incarne désormais un équilibre beaucoup plus subtil entre tradition et modernité, entre ancrage historique et ouverture cosmopolite.
Pour Claire Sá, cofondatrice de l’agence De Rosee Sa, « il ne s’agit pas de reproduire le cottage anglais », mais de redéfinir ce que signifie être britannique à l’ère du global. « Le design britannique d’aujourd’hui se distingue par sa capacité à conjuguer héritage et liberté, avec un esprit ludique et éclectique. » Cette liberté nouvelle s’exprime à travers une approche plus humaine et inclusive. Selon Claire Sá, « il y a moins de règles, plus de nuances et une sensibilité accrue à la manière dont les gens vivent réellement ». Les designers privilégient désormais des espaces vivants, adaptés à des styles de vie multiples, loin des codes figés. L’époque où le design britannique s’imposait comme un modèle uniforme semble révolue : il devient aujourd’hui un miroir de la diversité culturelle qui anime le pays.
Cette transformation s’observe aussi dans les grandes institutions. Le Serpentine Pavilion, confié à l’architecte bangladaise Marina Tabassum, ou le réaménagement du British Museum par la Libanaise Lina Ghotmeh, témoignent de cette ouverture. Au V&A Museum, l’exposition Cartier signée par Asif Khan illustre un dialogue constant entre patrimoine et création contemporaine. Comme le souligne Charu Gandhi, fondatrice d’Elicyon, « le design britannique a acquis une merveilleuse malléabilité, capable de s’adapter à un contexte en constante mutation ». Ce mouvement se manifeste aussi dans la reconversion de lieux historiques : des sculptures contemporaines comme Time Horizon d’Antony Gormley investissent les jardins de demeures ancestrales, tandis que d’anciens manoirs, à l’image d’Aynhoe Park, deviennent des hôtels de charme ou des concept stores. Le passé ne disparaît pas : il devient le décor d’un présent réinventé.
Pour Christian Bense, designer sud-africain installé à Londres, c’est précisément cette capacité d’adaptation qui maintient le design britannique à la pointe. « Ce style intègre aujourd’hui une diversité d’influences qui reflète la réalité d’un monde plus ouvert », observe-t-il. « Il n’est pas nécessaire d’abandonner les autres influences pour être britannique. » Le dialogue entre design africain, asiatique ou moyen-oriental et esthétique locale enrichit ainsi le paysage créatif. Cette diversité séduit aussi Sarah Watson, fondatrice de Balineum, marque de salles de bains haut de gamme : « J’aime que le modernisme et le classicisme puissent cohabiter dans une même pièce, tout en se respectant. » Elle souligne la force du « soft power » britannique : un petit pays géographiquement, mais capable de rivaliser avec les plus grandes puissances du design mondial.
Enfin, pour Dara Huang, architecte taïwanaise-américaine, le pluralisme est devenu la signature du design britannique contemporain. « C’est une période inspirante : il y a tant d’expérimentation et de collaboration interculturelle. » Comme le résume Joanna Bibby, cofondatrice de la marque Ochre, le design britannique reste fidèle à son excellence artisanale, tout en intégrant les identités multiples de ceux qui le façonnent. En 2025, il ne s’agit plus de préserver un style figé, mais de célébrer un dialogue permanent entre passé et présent, local et global — un design à l’image du Royaume-Uni lui-même : riche, évolutif et résolument tourné vers l’avenir.



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