France - Aérien : un nouveau melting-pot dans l'air

Des dirigeants et des investisseurs étrangers à l'assaut du secteur aérien en France. Mondialisation réussie ou perte d'identité ?


Par Tsirisoa Rakotondravoavy | Journal de l'Economie 


TOULOUSE - 16/09/2018 - La secteur aérien français se construit difficilement un nouveau melting-pot de dirigeants. Un canadien dirige Air France. ADP intéresse des fonds britanniques et australiens. Dans le sens inverse, les anciens dirigeants étrangers d'Airbus Group ont été remerciés, en attendant la fin de mandat de son Pdg allemand Thomas Enders. Le mélange va-t-il rassurer le marché ?



Airbus Group et ATR

Episode 1. Le Pdg d'Airbus Group depuis 2013, l'allemand Thomas Enders, l'a confirmé à la sortie du conseil d'administration très tendu en décembre 2017. Le groupe a "besoin d'esprits neufs pour les années 2020". Thomas Enders, dont le mandat de président prendra fin en 2019, se cherche en effet son dauphin. Ce dernier conseil a pourtant poussé celui qui en était désigné, le français Fabrice Brégier chargé de la stratégie du groupe, à la sortie. Brégier a pourtant été l'artisan des 1.000 milliards d'euros de commandes pour 10 ans de production garantie pour Airbus. Et le successeur de celui-ci a été choisi : Guillaume Faury, ancien président d'Airbus Helicopters. Cette vague de nominations témoigne d'une tension interne illustrée par la rivalité à peine cachée entre Enders et Brégier au sommet d'Airbus Group. Pire, ce conflit feutrés entre patrons est surtout alourdi par des enquêtes internes pour corruptions à l'international.

Episode 2. Airbus Group vient de confirmer son intention de renouveler sa gouvernance avec la nomination de Christian Scherer, ancien Pdg d'ATR, au poste de directeur commercial d'Airbus. Cette nomination survient après la démission surprise "pour des raisons personnelles" d'Eric Schulz, en poste depuis seulement 8 mois mais déçu de la guerre interne larvée au sommet d'Airbus. L'héritier du poste vacant de Pdg d'ATR sera connu dans les jours qui viennent, ATR étant la société commune d'Airbus Group (50%) et de l'italien Leonardo (50%).

Cette volonté de franciser la gouvernance du groupe, qui fait volte face à l'ancienne structure d'Airbus Group, précédemment dénommé EADS, fait poser des questions. L'on se souvient du tandem gagnant d'EADS, l'ancien directeur commercial, l'américain John Leahy, et l'ancien directeur de la stratégie, le franco-libanais Marwan Lahoud. Ce tandem aura porté haut le fanion européen d'Airbus pendant des décennies de duel contre le rival historique, l'avionneur américain Boeing.

Air France KLM

Côté compagnie aérienne, la récente nomination du canadien Benjamin Smith au poste de Pdg d'Air France KLM pose des questionnements sur la nationalité du groupe. Ce sera la première fois en effet que la compagnie sera dirigée par un étranger.

L'alliance avec le néerlandais KLM à l'époque avait déjà provoqué l'ire des puissants syndicats des pilotes et des salariés (83.500) sur l'avenir de la compagnie française, détenue à 14,3% par l'Etat français.

Les deux autres plus gros actionnaires d'Air France KLM sont en effet la compagnie China Eastern Airlines et l'américaine Delta Airlines, les deux détenant chacune 8,76% du capital. Le marché français ne représente plus que 31,7% des activités d'Air France KLM en 2017.

ADP : privatisation

Les multiples annoncent de privatisation d'ADP (Aéroports de Paris) cette année se précisent. La cession des 50,6% d'actions détenues par l'Etat français dans ADP se ferait en février 2019 après la publication des résultats du groupe, selon son Pdg Augustin de Romanet dans une interview sur Radio Classique, et relayée par Les Echos. Pour rappel, cette privatisation est prévue par le projet de loi Pacte initié par le gouvernement.

Il faut noter que des investisseurs étrangers sont sur les rangs pour cette privatisation d'ADP. Vinci Airports a contacté des fonds canadiens pour renforcer ses 8% des parts chez ADP. Le britannique GIP (Global Infrastructure Partners) et l'australien Macquarie ont également manifesté leur intérêt sur ce projet, suivi par des fonds américains et chinois.

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