2024, l'incertitude : prix record de l'or, baisse du dollar, conflits régionaux, pressions sur l'Occident

La faiblesse du dollar rend l'or plus attrayant pour les investisseurs d'Asie et du Moyen-Orient

De nombreux observateurs restent sceptiques quant à l'idée de la "fin du dollar", il est clair que le changement d’appétit des banques centrales vers l’or, au détriment du dollar américain, pourrait avoir des implications significatives sur le prix de l’or. C'est l'une des valeurs les plus curieuses des marchés financiers mondiaux, appelé la "relique barbare" par l'économiste Keynes, et ce métal servira désormais de signal d’alarme sur la dynamique sous-jacente de l’économie mondiale et d’annonceur des choses à venir.

L'once d’or s’échangeait sur une fourchette entre 1.600 et 2.000 dollars depuis la pandémie de 2020. Il vient d'atteindre un record historique au début de cette semaine à 2.111 dollars, avec une hausse vertigineuse de 14 % en seulement deux mois.

Rendements obligataires négatifs aux Etats-Unis

Traditionnellement, les analystes considèrent la dynamique du prix de l’or à travers deux variables : les rendements obligataires américains réels (rendements nominaux moins inflation) et le dollar américain.

En supposant qu’un bon du Trésor américain à 10 ans et une once d’or soient sans risque, dans la mesure où le gouvernement américain ne fera pas défaut pour protéger le dollar, et que l’once d'or gardera son prix actuel, les investisseurs ne devraient acheter de l’or que lorsque le rendement réel des obligations américaines est proche de zéro.

Cependant, le prix actuel de l’or s'explique justement par un rendement réel négatif des obligations américaines, déjà atteint au début de 2022, puis vers fin octobre 2023. L'indice de l'obligation américaine sur 10 ans, protégée contre l'inflation, a connu une baisse d'environ 50 points de base. 

Le prix record de l'or a-t-il annoncé l'effondrement des rendements réels, et du dollar en second lieu en raison du retour de l’inflation ? Assistera-t-on à une annonce de réduction agressive des taux par les banques centrales, potentiellement en raison de la détérioration des conditions économiques ?

Dans tous les cas, les investissement massifs actuels sur l'or indiquent un pessimisme quant aux perspectives de l’économie mondiale pour 2024, et théoriquement la chute du dollar en ligne de mire.

Le dollar américain est en baisse de 3,5 % en novembre 2023 par rapport à un panier pondéré de devises

Le dollar en baisse de 3,5% en novembre 2023 

La deuxième variable clé du marché de l'or est le dollar américain, en baisse de 3,5 % en novembre par rapport à un panier pondéré de devises, selon Bloomberg. Comme l’or est évalué en dollar, la faiblesse du billet vert rend le métal encore plus attrayant pour les gros investisseurs non américains ; les investisseurs en Asie, et les banques centrales en Chine et au Moyen-Orient.

Ainsi, la fin de "l’hégémonie du dollar américain" tend à être répétée à chaque fois que le dollar s’affaiblit et qu’une alternative à la monnaie de réserve mondiale semble gagner du terrain.

Citée en alternative au dollar, le Bitcoin connaît également une période de gloire, car la crypto-monnaie la plus connue a augmenté de 144 % au cours des douze derniers mois, au plus haut niveau depuis début 2022.

Que tout ceci soit dû, ou non, à un changement géopolitique majeur dans la demande d’actifs de réserve, ou simplement à une anticipation d’une baisse des rendements américains, est une question discutable.

Même si l’on est sceptique quant à l’argument de la fin du dollar, il est clair que même de petits changements dans l’appétit des banques centrales vers l’or, et contre le dollar, pourraient avoir des implications significatives sur le prix de l’or.

Changements géopolitiques et conflits régionaux

Les banques centrales ne semblent avoir qu'un recours : s’éloigner du dollar

L’or est généralement considéré comme une valeur de couverture en période d’incertitude systémique, et les deux conflits hérités de la Guerre froide qui font actuellement rage, en Ukraine et en Palestine, seront au centre des préoccupations des investisseurs.

Premièrement, l’issue de la guerre en Ukraine semble de plus en plus incertaine. Si, en mars 2022, l'OTAN et ses alliés avaient parié sur une issue rapide à coup de sanctions contre la Russie, et d'aides massives à l'Ukraine, on s'achemine doucement vers une troisième année de guerre sur l'année 2024, sans qu'aucune solution ne soit trouvée par les parties prenantes.

Un soutien budgétaire supplémentaire des États-Unis et de l’Union européenne semble être plus difficile à obtenir pour Kiev, ce qui en fait un autre hiver périlleux pour ceux qui luttent contre les intrus russes. Le président ukrainien Zelensky, attendu devant le Congrès américain pour plaider sa cause, a simplement annulé à la dernière minute ce rendez-vous important, comprenant peut-être trop tard la difficulté économique actuelle des Etats-Unis, empêchant l'Oncle Sam d'intervenir, encore une fois, dans une guerre.  

Deuxièmement, Israël étend ses opérations militaires au sud de Gaza. Des centaines de milliers de Palestiniens, qui ont déjà fui le nord, sont désormais en danger. Les responsables américains sont de plus en plus inquiets du bilan inimaginable de la guerre sur les civils. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a même averti Israël qu’il s’expose à une "défaite stratégique" si rien n'est fait pour protéger les civils.

À moins qu’Israël ne commence à agir en respectant le droit humanitaire, il est clair que les risques de propagation du conflit à d’autres régions du Moyen-Orient, et même en Afrique et en Asie Centrale, ne feront que croître. 

L’annonce selon laquelle des navires américains et israéliens ont été pris pour cible ce week-end par les rebelles Houthis au Yémen, alliés du Hamas, a aggravé les craintes selon lesquelles le conflit pourrait effectivement avoir dépassé le point de non-retour.

En effet, comme le prédisait Jacques Attali il y a dix ans sur la prolifération future des conflits régionaux, les signaux ne sont pas bons pour l'OTAN et ses alliés : les Talibans sont revenus au pouvoir en Afghanistan, le Liban et la Libye sont toujours des "pays instables", presque toutes les anciennes colonies de la France en Afrique ont connu un renversement de gouvernements précédé par le départ des forces d'intervention comme Barkhane. Et en toile de fond, un ennemi juré de l'Occident observe et agi en douce sur ces conflits : l'Iran. sous l'influence de la Chine, s'est rapproché de l'Arabie Saoudite, ce royaume qui s'est, quant à lui, lié avec les pays des BRICS, avec une intégration effective en janvier 2024.

Face à ce bouleversement géopolitique sans précédent, les banques centrales ne semblent avoir qu'un recours : s’éloigner du dollar. En effet, Les risques géopolitiques ont atteint un niveau jamais vu depuis les deux Guerres mondiales. 

Et en arbitre séculaire qui a connu toutes les guerres, l'or, la "relique barbare" de Keynes, incite le monde à se préparer à une période d’incertitude en 2024.

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