Economie mondiale : face au changement de paradigme

Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) vient de publier son analyse annuelle de l’économie mondiale aux éditions La Découverte. Coordonné par Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, l’ouvrage met en lumière un constat : face à un grand changement de paradigme, l’économie internationale entre en 2026 dans une zone de turbulences inédites depuis plusieurs décennies.


Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) vient de publier son analyse annuelle de l’économie mondiale aux éditions La Découverte. Coordonné par Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, l’ouvrage met en lumière un constat : face à un grand changement de paradigme, l’économie internationale entre en 2026 dans une zone de turbulences inédites depuis plusieurs décennies.


L’année écoulée a marqué un véritable basculement. Selon les experts du CEPII, le système économique mondial est désormais confronté à un contexte géopolitique particulièrement inquiétant, comparable par certains aspects aux périodes de guerres mondiales. Le premier chapitre de l’ouvrage, rédigé par Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine et intitulé « L’économie mondiale en guerre », en donne le ton : tensions militaires, rivalités commerciales et fractures politiques dessinent un environnement de plus en plus incertain. Ces bouleversements alimentent un climat d’incertitude généralisée, pesant directement sur les perspectives de croissance. Investisseurs, gouvernements et institutions financières doivent désormais composer avec une imprévisibilité accrue, rendant toute projection plus fragile.


Dans cette équation complexe, le rôle des deux premières puissances économiques mondiales, les États-Unis et la Chine, s’avère décisif. Leur trajectoire respectives façonnera l’avenir de l’économie internationale dans les années à venir. D’un côté, les États-Unis doivent jongler avec un environnement intérieur marqué par la polarisation politique, une dette publique élevée et la nécessité de maintenir leur rôle de leader économique et militaire. De l’autre, la Chine poursuit sa stratégie d’expansion, tout en affrontant des défis internes majeurs : ralentissement de la croissance, crise immobilière persistante, et tensions avec plusieurs partenaires commerciaux.



Une croissance fragilisée

Entre coopération contrainte et rivalité exacerbée, l’évolution de leur relation sera déterminante. Un climat d’apaisement pourrait favoriser la stabilité et encourager les échanges, tandis qu’une montée des tensions risquerait d’aggraver les fractures existantes dans l’économie mondiale. La conséquence directe de ce contexte est une croissance économique mondiale fragilisée. Le CEPII souligne que l’incertitude a atteint des niveaux rarement observés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les investissements productifs se font plus prudents, les chaînes de valeur mondiales se réorganisent, et le commerce international, longtemps moteur de prospérité, se replie partiellement sous l’effet de barrières tarifaires et de stratégies de relocalisation.


Les marchés financiers ne sont pas épargnés : la volatilité demeure élevée, reflétant les craintes des investisseurs face à la multiplication des crises – qu’elles soient politiques, climatiques ou sanitaires. Les économies émergentes, plus vulnérables aux chocs extérieurs, se trouvent particulièrement exposées. Au-delà des tensions géopolitiques, l’économie mondiale doit composer avec d’autres défis tout aussi pressants. La transition énergétique reste inachevée, malgré l’urgence climatique. Les pays doivent investir massivement pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles, mais ces efforts s’accompagnent de coûts immédiats et de tensions sociales. 



Une année décisive

Par ailleurs, les inégalités économiques persistent, voire s’aggravent, tant au sein des pays qu’entre les régions du monde. La fracture Nord-Sud demeure criante, alimentant frustrations et mouvements migratoires. Enfin, la question de la soutenabilité de la dette publique, en particulier dans les économies avancées, continue de peser sur la stabilité financière globale. Face à ces constats, les coordinatrices de l’ouvrage, Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, plaident pour un renforcement de la coopération internationale. Pourtant, dans un monde marqué par la méfiance et la montée des nationalismes économiques, cette coopération paraît plus difficile que jamais. Les institutions multilatérales comme le FMI, la Banque mondiale ou l’OMC sont appelées à jouer un rôle central, mais leur efficacité dépendra de la volonté réelle des États à s’entendre sur des solutions communes.


L’année 2026 s’annonce donc comme un tournant critique pour l’économie mondiale. Entre les choix stratégiques des grandes puissances, l’évolution des conflits géopolitiques et la capacité des nations à relever ensemble les défis globaux, se dessinera le futur paysage économique. Le diagnostic du CEPII est clair : sans un sursaut collectif, la croissance mondiale risque de rester durablement bridée par un climat d’incertitude, voire de basculer dans une ère de fragmentation économique.

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