Indianocéanie : à l'heure des grands bouleversements

Alors que Madagascar, la plus grande île de l'Indiancocéanie, connait un mouvement de contestation populaire de grande ampleur, l'île Maurice a amorcé une transition politique suite aux élections de 2024. De leur côté, les Seychellois organiseront du 9 au 11 octobre un second tour entre les deux candidats présidentiels et Mayotte veut s'activer pour acter sa reconstruction.


Alors que Madagascar, la plus grande île de l'Indiancocéanie, connait un mouvement de contestation populaire de grande ampleur, l'île Maurice a amorcé une transition politique suite aux élections de 2024. De leur côté, les Seychellois organiseront du 9 au 11 octobre un second tour entre les deux candidats présidentiels et Mayotte veut s'activer pour acter sa reconstruction. 


À Madagascar, les mouvements de protestation populaire, menés par la jeunesse, se poursuivent et se propagent en région. Après des manifestations contre les coupures d’eau et d’électricité et pour la défense des libertés fondamentales qui se sont tenues dans plusieurs grandes villes du pays, le mouvement prend une nouvelle tournure. Il s'agit désormais de mettre fin à un régime qualifié d'inefficace et de corrompu. Cette semaine s'annonce décisive pour la Grande Ile alors que le pouvoir en place se trouve déjà sensiblement fragilisé.


Selon un sociologue et observateur averti de la scène socio-politique malgache depuis la révolution de mai 1972, ce  mouvement mené par la jeunesse a toutes les chances de réussir car il est approuvé par une large partie de la population qui ne cesse, ces dernières années, de dénoncer la mauvaise gouvernance, les promesses non tenues des dirigeants et les dépenses faramineuses jugées inutiles comme la construction d'une autoroute ou encore l'installation d'un système de téléphérique. "Même si les dirigeants durcissent la répression, il est déjà trop tard", ajoute-t-il. "Estimant que la coupe est pleine, la population veut désormais un changement radical et les différentes forces vives, des syndicats aux formations politiques en passant par les acteurs de la société civile, s'apprêtent à renforcer le mouvement".


Du côté de Maurice,  souvent vanté pour sa stabilité politique mais marquée ces derniers temps par des séries de scandales politico-financières, les débats sur la nécessité de changer de logiciel de gouvernance s'animent. Depuis 2019, Maurice a vu son classement chuter dans les indices internationaux en matière de gouvernance et de liberté d’expression. Les récentes révélations sur des écoutes téléphoniques massives, impliquant journalistes, avocats, juges et opposants, ont choqué la population. Aujourd'hui, le nouveau premier ministre, Navin Ramgoolam, parle de renouveau politique et promet des grandes réformes pour relancer l'économie et combattre la corruption.



Reconstruction et grandes réformes


A Mayotte, l'heure est la reconstruction de l'archipel, frappé en décembre 2024 par le cyclone tropical Chido. Le programme s'articule autour d'un projet de loi d'urgence prévoyant 3,2 milliards d'euros d'investissements d'ici 2031. Il inclut des mesures pour renforcer la sécurité, améliorer l'accès à l'eau et aux services publics, et instaurer une convergence des prestations sociales. Mais le projet se heurte à des défis persistants tels que l'habitat insalubre et une économie fragile. "La vraie réussite dépendra de la capacité à transformer cette urgence en opportunité durable pour Mayotte : résorber le chômage des jeunes, sécuriser les financements pour le BTP, et réduire la dépendance aux importations. Le 2e trimestre 2025 sera donc un test clé", a commenté un média local.




Pour La Réunion, les débats sont axés aujourd'hui sur les réformes sociales et économiques visant un rattrapage des inégalités par rapport à la métropole, avec des investissements dans l'éducation et la formation, le soutien aux secteurs de l'agriculture et de l'économie circulaire, le développement des énergies renouvelables et des projets de mobilités durables. D'après les analystes, l'économie réunionnaise importe une trop grande partie de ses besoins, ce qui a un impact financier et écologique, et a bouleversé les modes de vie traditionnels. Le taux de chômage reste aussi un défi majeur, bien que l'emploi salarié privé ait montré une certaine résilience dans les années récentes grâce à l'activité partielle. 



Un scrutin crucial aux Seychelles


L'archipel des Seychelles est aussi à la croisée des chemins. Après cinq années passées à la tête de l'État, Wavel Ramkalawan n'est pas assuré de rempiler. Le prêtre anglican, chef du parti Linyon Democratik Seselwa (LDS), est contesté. Son adversaire principal est Patrick Herminie, le leader d'United Seychelles (US). Avant 2020, tous les présidents de ce pays étaient issus de ce parti unique. Il avait été fondé en 1977, soit un an après l'accession à l'indépendance. Colonie française puis britannique, les Seychelles ont accédé à l'indépendance en 1976 et sont une démocratie relativement jeune. 


L'archipel des Seychelles est aussi à la croisée des chemins. Après cinq années passées à la tête de l'État, Wavel Ramkalawan n'est pas assuré de rempiler. Le prêtre anglican, chef du parti Linyon Democratik Seselwa (LDS), est contesté. Son adversaire principal est Patrick Herminie, le leader d'United Seychelles (US).


Les trois quarts de la population (121.355 habitants en 2024 selon la Banque Mondiale) vivent sur l'île principale de Mahé, où se trouve la capitale Victoria. D’après la Commission électorale, le candidat de l’opposition Patrick Herminie est arrivé en tête du premier tour avec un score de 48,8 % des voix, contre 46,4 % pour le président sortant Wavel Ramkalawan. Il s’agit d’un résultat extrêmement serré puisque seulement 1.506 voix séparent les deux candidats. "Derrière les bons chiffres mis en avant par le LDS, les tensions sociales restent vives. Les adversaires du président dénoncent une vie chère qui pèse sur le quotidien des ménages, une corruption persistante et le trafic de drogue. La consommation d'héroïne touche jusqu’à 10 % de la population, un taux parmi les plus élevés au monde", a commenté un proche de Patrick Herminie.


Enfin, aux Comores, la stabilité politique n'est pas encore acquise. Dernièrement, le président Azali Assoumani a confirmé la tenue prochaine d’assises nationales consacrées au bilan de la réconciliation. Une annonce qui relance le débat politique, notamment autour de l’avenir institutionnel de la présidence tournante. "Nous voulons organiser des assises pour faire le bilan, renforcer ce qui a marché et abandonner ce qui n’a pas marché. Le temps a changé, nous devons nous adapter", a déclaré le chef de l'Etat. Cette précision n’a toutefois pas suffi à rassurer les défenseurs du système de la tournante, qui redoutent une remise en cause de ce mécanisme d’alternance entre les iles, instauré par l’Accord de Fomboni du 17 février 2001. Sur le plan économique, la Banque mondiale invite l'archipel a engager les réformes permettant la construction d’une croissance plus résiliente, la rationalisation des dépenses publiques et le maintien du cap d’une gouvernance ouverte et crédible.

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